Le président du MSP s'est abstenu de faire le moindre commentaire. Finie la récréation; le chef de l'Etat crève l'abcès: «Celui qui veut faire de la politique qu'il le fasse, mais en dehors des cercles officiels» martèle-t-il à l'ouverture de la rencontre gouvernement-walis. L'opportunité du moment s'y prêtait parfaitement, à savoir la commémoration de la Journée internationale sur la corruption, qui coïncide avec le 9 décembre. Quant au «le destinataire du message», il n'est autre que le président du MSP, Boudjerra Soltani, présent dans la salle. La raison? les déclarations successives de ce dernier à propos de la corruption en Algérie, qui, d'après lui, se serait «institutionnalisée». Il prétend même détenir une liste de hauts responsables de l'Etat qui seraient impliqués dans des affaires de malversation. A cette affirmation, le chef de l'Etat, pour mettre un terme à la polémique, choisit la fermeté. En sa qualité de premier magistrat du pays, et voulant en finir avec une polémique qui s'amplifie, Abdelaziz Bouteflika affirme que tout responsable qui «prétend détenir des preuves» de cas de corruption doit les soumettre à la justice, sinon, dans le cas contraire, «il sera lui-même poursuivi». Plus précis, le président ajoute que ces preuves doivent être soumises «impérativement et sans retard à la justice, sans attendre l'aval de quiconque et sans que cela ne prenne l'allure d'un règlement de comptes ou de calomnies». En d'autres termes, l'absence de ces preuves s'apparenterait à de la dénonciation calomnieuse, un grief sévèrement puni par la loi. Le chef de l'Etat est allé loin, en annonçant, d'ores et déjà, qu'il donnera des instructions à la justice «pour que tout responsable prétendant détenir des dossiers, apporte des preuves ou alors, il sera lui-même poursuivi en justice». Ce qui laisse supposer que le président du MSP serait appelé à s'expliquer, sur ses dernières déclarations, devant la justice. La lutte contre la corruption, tient à souligner M.Bouteflika, concerne toute la société, et que l'image de l'Algérie ne saurait faire l'objet d'un quelconque marchandage. D'autant plus que les récentes déclarations émanent d'un ministre de la République. Cependant, si M.Soltani avait agi en tant que chef d'un parti politique, il ne devrait pas feindre d'ignorer qu'il est aussi membre de l'Alliance présidentielle et ministre d'Etat. C'est-à-dire que toute question, engageant l'image du pays, doit être posée dans un cadre approprié. Même la campagne «corruption stop» lancée en grande pompes par le MSP, ne lui permet pas de proférer des accusations, sans préciser les auteurs des actes de malversation. Le chef de l'Etat est, on ne peut plus clair: «Je prends à témoin, devant vous, le peuple algérien, pour affirmer que celui qui détient des preuves de cas de corruption doit les soumettre à la justice et si cette dernière se révèle incapable, je la dénoncerai devant le peuple algérien». Par ailleurs, et faisant sans doute allusion aux dernières sorties médiatiques du président du MSP, le chef de l'Etat rappellera que la liberté de la presse en Algérie «donne la possibilité à chacun de s'exprimer, mais je ne saurais accepter qu'un citoyen, quel que soit son statut, utilise la réputation de l'Algérie comme fonds de commerce». En somme, il n'est plus question que le travail accompli depuis 1999 pour soigner l'image du pays à l'étranger, soit ébranlé par des déclarations irresponsables, poursuit Bouteflika, qui rappellera que «la réussite personnelle ou politique ne peut, en aucun cas, se faire aux dépens de l'intérêt national». Comme il a déploré, dans la foulée, le fait que «certains se complaisent dans le recours à des chaînes de télévision arabes qui veulent nuire à l'image de l'Algérie». C'est le cas du président du MSP, qui est allé jusqu'à avancer des chiffres sur la corruption sur la chaîne Al Jazeera. Des déclarations, qui, rappelons-le, ont soulevé un tollé médiatique sans précédent. Certaines voix se sont élevées, demandant à l'auteur de ces affirmations de divulguer les noms au lieu de lancer des menaces en l'air. C'est le cas du parti du FLN, qui par la voix de son porte-parole Saïd Bouhedja, a mis au défi le président du MSP de rendre publics les listes et les noms qu'il affirme détenir. «Nous demandons à M.Soltani de rendre publiques les listes qu'il affirme détenir. Les Algériens sont en droit de connaître et d'identifier ces personnes qui volent, gaspillent et dilapident leurs biens» lance M.Bouhedja. Quelques jours plus tard, et interpellé sur le même sujet par la presse, Soltani se rétracte, estimant que la bataille qu'il voulait ouvrir est plus politique que juridique «Je ne veux pas me lancer dans une bataille juridique; nous la voulons politique». C'est à cette déclaration que le chef de l'Etat a tenu à apporter, hier, une mise au point, on ne peut plus claire, en invitant tous ceux qui veulent utiliser le dossier de la corruption à des fins politiques qu'ils le fassent en dehors des institutions de l'Etat. Pour sa part, M.Abdelaziz Belkhadem, chef du gouvernement a lancé, hier, un appel à toute personne qui a, en sa possession, des informations et des dossiers sur la corruption, de saisir la justice. «S'il y a des déclarations, il y a une action de justice», a affirmé le chef du gouvernement, M.Belkhadem, qui indique que les décrets d'application sur la lutte contre la corruption, ont été tous adoptés. Interrogé, hier au Palais des nations sur le discours du chef de l'Etat, le président du MSP s'est abstenu de faire le moindre commentaire. La grande offensive est, donc, lancée contre la corruption, et les déclarations de Soltani auront été le déclic pour le grand déballage. A condition que ce dernier dévoile ses «preuves».