Les enseignants de l'université et des lycées techniques ont réussi, hier, leur première démonstration de force. La locomotive de protestation du Conseil national de l'enseignement supérieur (Cnes) ne s'est pas grippée. Comme cela a été prévu, les professeurs de l'université, lassés par les «promesses trompeuses» du ministère, ont observé, hier, une pause-grogne à travers les campus. Les enseignants sont agacés: «Au lieu d'enclencher un dialogue responsable, l'on continue à user de l'appareil judiciaire dans la gestion des conflits sociaux», s'indigne Farid Cherbal, coordinateur du Cnes, contacté, hier, par nos soins. Le noeud du problème réside dans le «bouclier judiciaire» ayant suscité un coup de tonnerre chez les enseignants qui, après coup, n'ont pas hésité a répondre du tac au tac. Des rassemblements ont été organisés, dans la journée d'hier, dans plusieurs enceintes universitaires. Tandis qu'à Béjaïa et Oran, où l'expression de désarroi a été plus exacerbé, les professeurs ont décidé d'arrêter carrément le travail. Deux enseignants de l'université de Béjaïa devaient comparaître, hier, devant la chambre pénale. Alors qu'un troisième est convoqué pour aujourd'hui. La réplique du Cnes qui, après convocation des états-majors, vise a priori l'abandon des poursuites judiciaires engagées contre les enseignants. Au moins huit professeurs, dont 5 délégués du Cnes, sont tombés dans le filet de la justice. Ceux-ci, à en croire le Cnes, ont dû payer les frais de la grève ouverte du 13 mai 2006. C'est une atteinte pure et simple contre les libertés syndicales, commente Farid Cherbal. Après le succès de cette première manifestation, il est question, selon notre interlocuteur, d'accélérer les choses et recharger les batteries. Une autre semaine de protestation avec arrêt de travail est, d'ores et déjà, soumise à l'approbation de la Coordination nationale. Le ministère de Rachid Haraoubia observe jusqu'ici un silence religieux. Un signe qui, le moins qu'on puisse dire, démontre un échec avéré dans la gestion des conflits sociaux. La coordination nationale du Cnes devra revenir à la charge le 25 février. Il sera question de décider d'une nouvelle bataille si les poursuites judiciaires ne sont pas retirées. En toile de fond, demeurent d'autres revendications insatisfaites, à commencer par l'augmentation des salaires et le statut particulier de l'enseignant du supérieur. De leur côté, les enseignants des lycées techniques ont organisé, hier, une première journée de protestation contre ce qu'ils appellent «la mise à mort de l'enseignement technique». L'Education nationale veut se débarrasser, paraît-il, de l'école technique et remettre ses clés à El Hadi Khaldi, ministre de la Formation professionnelle. 50% des filières techniques ont été déjà supprimées, laissa entendre Bendaikha Kamel de la «Coordination nationale des lycées techniques et technicums (Cnltt)». Selon le syndicaliste contacté par l'Expression, l'Education nationale fait peser un gros risque sur l'école technique. Ulcérés par cette attitude, les enseignants ont tenu a dénoncé «le démantèlement de l'école technique». Le mot d'ordre a été suivi à 65,31% sur l'ensemble des lycées techniques du territoire national, à en croire Bendaikha Kamel. Ce n'est pas une surprise. Voulant alerter l'opinion publique et les parents d'élèves, les professeurs de l'enseignement technique craignent un remake de l'épreuve dite «bac professionnel», conduite vers un échec insurmontable. Dans un communiqué adressé à notre rédaction, le ministère de l'Education nationale estime le taux de suivi de la grève des enseignants des lycées techniques à 2,39%. Plus précisément, le même communiqué ajoute que les 2,39% des enseignants, enregistrés absents, relèvent essentiellement des trois directions de l'éducation de la wilaya d'Alger. «Le reste des wilayas du pays n'a enregistré aucune perturbation.» L'Education nationale qualifie la remise des clés de l'école professionnelle au département de El Hadi Khaldi d'étape s'inscrivant dans le cadre de la réforme. «L'Education nationale affirme sa volonté, non seulement de préserver l'enseignement technique et l'ensemble de son corps enseignant, mais d'oeuvrer, conformément au programme de réforme, à son essor, dans un cadre scientifique et technologique rénové».