Malgré son âge, 41 ans, l'auteur-compositeur possède un répertoire très riche. «Je ne peux être qu'un artiste, j'ai l'art qui coule dans les veines». C'est ce qu'a déclaré, à L'Expression, le chanteur algérien d'expression kabyle, Brahim Tayeb. Lui, qui était bien inspiré pour une carrière philosophique, sinon mathématique, il s'est retrouvé, en fin de compte et malgré lui, pris dans un voyage artistique inégalé. Ses premières expérimentations remontent à une enfance un peu particulière. Il était collégien à l'Ecole nationale des sourds-muets d'El Achour. «J'ai fait mes premiers pas dans le monde de la musique dès mon enfance. A l'époque, j'ai commencé à chanter le chaâbi, l'andalou et l'oriental, et cela juste pour le plaisir. Je n'avais pas le moindre desiderata de faire une carrière. Chemin faisant, l'art est devenu de plus en plus ma raison de vivre, je me suis retrouvé, par la suite, perdu dans les tréfonds de la chanson», raconte l'artiste, en faisant marche arrière dans le temps. «Quand je suis retourné au lycée normal de Larbaâ Nath Irathen, j'ai été appelé à m'adapter, on m'a demandé de chanter à l'occasion des vacances trimestrielles. Cette sortie imprévue a été mon premier succès». En dépit de son comportement comme étant un élève «trop turbulent», mais suivi souvent de sagesse propre à un artiste, ce laps de temps a marqué les premiers pas dans son univers imperturbable. Brahim a réussi, alors lycéen, à composer ses premières chansons. Cette «errance» de l'artiste, son voyage de Kabylie (Larbaâ Nath Irathen) à Alger était un coup de tonnerre au talent de l'artiste. D'abord, à l'école d'El Achour, il a mis à profit l'occasion pour suivre des cours de musique. Il s'est ainsi initié au solfège et à quelques instruments, tels la flûte et le piano, une richesse qui s'ajoute à sa maîtrise de la guitare et du luth. Une fois, de nouveau en Kabylie, Brahim prend place dans le chant scolaire, mais aussi celui des fêtes. Sa réputation dépassait le cercle des lycées et des fêtes villageoises et son nom commençait à circuler dans le milieu universitaire. Invité pour l'animation d'un gala à l'université de Tizi Ouzou, puis Alger, le chanteur a réussi ainsi sa première sortie en tant qu'artiste. Après son succès aux épreuves du Bac, une double réussite pour un non-voyant, l'artiste quitte, de nouveau, son village, en 1989, pour se rendre à l'université d'Alger, où il s'est inscrit à l'Institut de traduction et d'interprétariat. Le milieu universitaire a été aussi propice pour son éclosion. En 1990, avec la sortie de son premier album Ussan eni (ces jours-là, Ndlr traduction), l'artiste commençait d'ores et déjà, à charmer les passionnés de la chanson «émotionnelle». Un véritable voyage affectif et nostalgique dans un passé et une enfance singulière. Quatre ans plus tard, il réussit à interpréter un bel hymne à la femme et à la beauté à travers la célèbre chanson Hamlagh kem (je t'aime). A la suite de ses premières compositions, Brahim atteint la célébrité et fait vibrer les scènes les plus réputées, à savoir El Mougar, Ibn Zeydoun et Ibn Khaldoun. En 1996, le chanteur bouleverse de nouveau le marché et lance son boom dit Sarghiten (mets les en feu). Durant la même année, la star épouse une poétesse de la ville historique de Constantine. Cette union a enrichi davantage son répertoire et son inspiration. Sa femme devient, alors, la touche poétique qui manquait et elle composa, dès lors, le passage «flux d'attente». L'année 1998 a été le nouveau rendez-vous avec ses fans. Un nouvel album intitulé Ur Ezzerigh Ara (je ne sais pas) quitta l'ombre. Si Laadhil (en attendant...), est le titre d'un autre album qui révolutionna, encore une fois, le marché en 2000. Un hymne d'amour et un goût sensuel feront redémarrer la vie de l'artiste. Ce riche répertoire a fait de Brahim l'un des brillants chanteurs kabyles de la deuxième génération, notamment, dans le genre dit «moderne». En 2003, son avant-dernier succès intitulé Intass, changea carrément la donne artistique kabyle et fera naître une nouvelle révolution. L'album, qui a été traduit, une année plus tard, en langue arabe classique, a eu un immense succès auprès du public. L'artiste s'est dit étonné d'entendre son public répéter avec lui tous les refrains de la chanson. «Au début, je me suis dit qui va écouter une chanson de 48 minutes. Mais, j'ai été surpris, par la suite, d'entendre mon public m'accompagner tout au long de la chanson». Certes, la chanson était longue, mais le plaisir était inégalé. Une chanson éternelle. On dit souvent qu'il est facile d'arriver au sommet, mais il est difficile d'y rester. Toutefois, Brahim a réussi à y monter et y rester. Son dernier album Tixras, sorti le 20 janvier dernier, témoigne du savoir-faire de l'artiste aussi bien sur le plan musical que sur le plan poésie. C'est incroyablement poétique, mais parfois incompréhensiblement artistique. Est-il un nouveau rêve de l'artiste? Ou plutôt un rêve dans un rêve? (lire le papier de Ahmed Ben Alam). Musicalement, c'est en fait un amalgame de latino-américain, chaâbi et oriental avec une touche kabyle ancestrale. L'artiste ne met pas à l'écart la force du verbe qui accompagne cet amalgame mélodieux.