Deux dossiers où la France, par sa position particulière vis-à-vis du Maghreb et du Machreq, aurait dû jouer un rôle de premier ordre. Pour l'ambassadeur de France en Algérie, il était sans doute un peu malaisé, à un moment où une nouvelle direction politique est attendue à Paris, d'aborder des sujets de politique internationale où son pays est engagé, et surtout des thèmes aussi controversés que ceux des dossiers du Sahara occidental et des territoires palestiniens occupés. Cela a été cependant l'occasion pour Bernard Bajolet de rappeler, opportunément, qu'il a suivi pour la France les négociations qui ont eu lieu à Madrid et ayant abouti en 1993, à l'accord d'Oslo qui devait sceller la paix entre les Palestiniens et Israël. Aussi, M.Bajolet affirma que la question du Proche-Orient est «un problème auquel je suis sensible», rappelant les circonstances qui l'ont amené à suivre de près le dialogue israélo-palestinien: «J'ai été associé aux négociations sur les réfugiés palestiniens pour rapprocher les points de vue des deux parties. A l'époque, il y avait de vraies perspectives de solution, mais aujourd'hui, on vit un immense gâchis», indique-t-il, faisant référence à l'assassinat du Premier ministre israélien, Itzhak Rabin, qui signa, à Washington, avec le défunt Yasser Arafat, l'accord de paix dit «d'Oslo». Persistance du deux poids, deux mesures Répondant à notre question sur un certain parti pris de la part du Quartette pour le Proche-Orient, (dont la France est membre au titre de l'Union européenne), M.Bajolet déclare d'emblée qu' «il partage (notre) frustration», sans donner toutefois de réponse aux dérives relevées dans la manière avec laquelle le Quartette traite le dossier israélo-palestinien, ce qui donne l'impression que ce dernier faisait de la sous-traitance pour Israël lorsqu'il exige des Palestiniens (la reconnaissance d'Israël), ce qu'il s'interdit de demander à Israël, admettre à tout le moins l'érection de l'Etat palestinien indépendant. Il ne s'agit pas pour notre part de «frustration» mais de relever la persistance des deux poids, deux mesures dès lors qu'il s'agit des Palestiniens et d'Israël, les uns donnant lieu à toutes les pressions de la part de la «communauté internationale» tandis que les autres sont mis sur un piédestal, absous et ne sont pas tenus de se conformer au droit international et aux résolutions de l'ONU. C'est aussi simple que cela. L'ambassadeur de France qui estime qu' il y a de l'espoir de progresser dans le règlement du problème après l'accord de La Mecque (intervenu récemment entre le Hamas et le Fatah pour la constitution d'un cabinet d'union nationale), accord que «la France a salué». M.Bajolet indique aussi que «le ministre palestinien des Affaires étrangères (Ziad Abou Amr) sera prochainement à Paris (le 2 avril à l'invitation de son homologue français, Philippe Douste-Blazy)». Mais c'est tout de même peu pour un membre permanent du Conseil de sécurité qui pouvait, en tout état de cause, veiller, à tout le moins, à l'application par tous les belligérants des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. Ce qui n'est pas le cas au regard du laxisme de la «communauté internationale» envers Israël qui n'a pas été obligé -comme cela se fait pour d'autres pays (cf. le Soudan)- de se conformer au droit international. Tout aussi évasif a été M.Bajolet pour ce qui est du dossier sahraoui, se limitant à des généralités qui n'explicitent pas le pourquoi de la position française sur cette question, mettant la France en décalage par rapport au droit international. Qualifiant de «constructif» le projet d'«autonomie» marocain pour le Sahara occidental, emboîtant ainsi le pas à la diplomatie française, Bernard Bajolet indique que la France, avec l'Algérie, «est d'accord pour l'autodétermination» qui «ne veut pas dire, selon lui, forcément l'indépendance». M.Bajolet indiqua également que la France et l'Algérie, qui ne sont pas partie prenante dans le conflit -qui n'est pas «un contentieux franco-algérien»- sont deux membres de l'ONU, aussi, enchaîne-t-il: «On est d'accord pour que le problème soit réglé dans le cadre de l'ONU» «à la condition, ajoute-t-il, que le Maroc et le Front Polisario soient d'accord». Ce que répète depuis toujours l'Algérie pour laquelle seule l'autodétermination dans le cadre des résolutions de l'ONU donnera au peuple sahraoui le droit de se prononcer librement sur son devenir. L'ambassadeur de France, pour appuyer son argumentation, cita le cas du Kurdistan. C'est là une mauvaise comparaison. L'exemple du Timor-est L'autonomie du Kurdistan n'a pas été le fait des autorités légales irakiennes, mais relève d'un diktat imposé en 1991, au lendemain de la première guerre du Golfe, par les grandes puissances, les Etats-Unis et la France qui ont instauré au nord et au sud de l'Irak des zones d'exception. Or, le Kurdistan est une province irakienne au regard de l'Histoire, ce qui n'est pas le cas du Sahara occidental dont le cas relève de la décolonisation, son administration demeurant, pour le Conseil de sécurité, de la responsabilité de l'Espagne, comme le rappelait dès 1964 l'ONU au début du contentieux sahraoui. Donc, il n'y a rien de constructif dans le projet d'«autonomie» marocain qui contrevient en fait au droit international et aux règles stipulées par le Conseil de sécurité dans de cas semblables. Et de fait, le cas similaire à celui du Sahara occidental, ce n'est pas le Kurdistan (irakien) car, si comparaison il y a, il faut évoquer le Timor-Oriental -occupé en 1975 par l'Indonésie en même temps que le Maroc occupait le Sahara occidental- lorsque Jakarta a été contrainte, par l'ONU, à organiser un référendum d'autodétermination pour le Timor avec, au final, l'indépendance pour ce territoire. Quant au fait que l'autodétermination n'est pas «nécessairement» l'indépendance, il n'y a pas d'exemple où un peuple appelé à choisir entre l'indépendance ou demeurer sous tutelle choisisse la seconde proposition. Sur un autre plan, M.Bajolet revient sur le fait que la France connaît, selon lui, «un regain d'intérêt dans le monde arabe», notamment après la position prise par Paris contre la guerre en Irak.Ce qui «a valu (à la France) un lourd tribut économique», indique Bernard Bajolet qui ajoute: «On n'a pas dit seulement non à la guerre, on a agi dans ce sens. Ce qui nous a valu la déclaration des 8 (membres de l'Union européenne qui se sont coalisés avec les Etats-Unis). Aujourd'hui, le monde arabe, y compris les responsables irakiens, nous reconnaissent notre position de principe.» Sans doute, il n'en reste pas moins que la France pouvait, et peut faire beaucoup, pour contribuer à la solution de contentieux comme ceux du Proche-Orient et du Sahara occidental, en s'appuyant, outre sur les résolutions pertinentes de l'ONU, sur sa position de membre permanent du Conseil de sécurité où elle a (encore) son mot à dire.