Benaïssa ne fait pas que prédire l'émergence de mouvements séparatistes en Kabylie, mais menace les Algériens. Le ministre marocain des Affaires étrangères, Mohamed Benaïssa, a clairement menacé l'Algérie sur la question de la Kabylie en indiquant que «demain, des mouvements séparatistes pourraient naître en Algérie et revendiquer le morcellement du pays». «Les auteurs de l'option du partage (du Sahara occidental) doivent réfléchir. Ce serait créer un précédent gravissime. Il ne faut pas jouer avec le feu», dira en substance le chef de la diplomatie marocaine dans un entretien au quotidien Aujourd'hui le Maroc, faisait allusion, sans ambages, au fait que Rabat accuse Alger, depuis la publication du rapport Annan, d'avoir proposé l'option de la quatrième voie - partage territorial - à James Baker, qui l'a entériné. Le ministre marocain fait aussi référence aux difficultés internes de l'Algérie, notamment sur la crise en Kabylie, en «prévoyant» que des «mouvements séparatistes» pourraient éclore et revendiquer une séparation physique de la Kabylie du reste du territoire algérien. «Il ne faut pas jouer avec le feu» est une menace à peine voilée au Président Bouteflika quant aux conséquences de l'engagement algérien auprès d'une solution juste et équitable au Sahara occidental. Mohamed Benaïssa, considéré pourtant comme faisant partie du clan des «modérés» au sein du gouvernement royal, fait de la question du Sahara occidental une simple affaire de dualité algéro-marocaine: «Le Maroc n'abandonnera jamais un arpent de terre de son territoire au Sahara. Et, cela les responsables algériens le savent parfaitement. Et, si solution il y a, et ce, dans le cadre de la souveraineté marocaine, ce sera avec l'Algérie et pas avec une autre partie, car il s'agit d'un conflit géopolitique à la base.» Cette déclaration de Benaïssa affiche explicitement le déni de droit marocain qui exclut de facto la partie sahraouie du conflit. Une attitude qui va à l'encontre des résolutions de l'ONU et des accords de Houston, signés entre le Maroc et le Front Polisario en 1998, sous le parrainage de la communauté internationale. Le MAE marocain va encore plus loin puisqu'il accuse l'Algérie de faire de la surenchère à l'approche des élections législatives: «Ce que nous regrettons, dira-t-il, c'est qu'à chaque fois qu'il y a des élections en Algérie, l'affaire du Sahara est utilisée par les responsables algériens pour faire de la surenchère et accentuer la tension». Attribuant l'idée du partage au gouvernement algérien, le diplomate marocain, déchaîné, indique: «Cette idée risque de compliquer davantage le problème.» Les déclarations de Benaïssa ne font, en définitive, qu'entériner une vision sectaire du dossier sahraoui par le palais royal. Depuis des mois, le Maroc tentait de faire accréditer la thèse que ce problème de décolonisation, vieux de 26 ans pourtant, est une affaire strictement algéro-marocaine. Mais la nouveauté réside dans le ton des menaces proférées et qui constituent une ingérence flagrante dans les affaires internes à l'Algérie. Benaïssa ne fait pas que prédire l'émergence de mouvements séparatistes en Kabylie, mais menace les Algériens. Rabat va-t-elle aider les radicaux en Kabylie pour souffler sur la braise de la contestation? Le Maroc a-t-il les capacités d'encourager des mouvements séparatistes en Kabylie? A ces deux questions, la réponse ne peut qu'être affirmative, puisque ce ne sera qu'un remake de l'affaire de cap Sigli. En 1978, un avion en provenance du Maroc avait largué des armes sur la région de cap Sigli pour le compte d'un noyau d'activistes bérbéristes. La tension au Sahara occidental était déjà à son comble.