Une écriture qui vous prend à la gorge, sent le soufre, le shit et le sang et vous entraîne dans les méandres d'un monde chaotique, hypnotique, dissolu, sans aucune illusion... Voir Cyrtha et...mourir. Tel est le sentiment qui se dégage à la lecture du dernier-né de Salim Bachi, cet écrivain trentenaire, discret mais studieux. Après Le chien d'Ulysse (Gallimard, 2001), La Kahéna (2003), Tuez-les tous (2006), Autoportrait avec Grenade (éditions du Rocher 2005) et Le roman de Rome (2007), Salim Bachi vient de faire paraître aux éditions Barzakh un ensemble de 12 «perles» aussi caustiques, tragiques, lyriques, grotesques, poétiques et allégoriques les unes que les autres. Il s'agit de Les douze contes de minuit où la mort se taille la part du lion. Quelque part sur «une terre islamique», se trouve un pays répondant au nom de Cyrtha, dans les années 1990, où règnent la terreur et la violence à tous les étages. Sentiment d'horreur, d'étrangeté et d'écriture folle se mêlent pour dépeindre un monde en «naufrage» où parfois la ponctuation s'efface au détriment d'une écriture qui vous prend à la gorge, sent le soufre, le shit et le sang et vous entraîne dans les méandres d'un monde chaotique, hypnotique, dissolu, sans aucune illusion...Salim Bachi aura réussi, ainsi, à placer dans la forme une certaine distance aussi bien littéraire que géographique pour nous «conter» ces petites histoires où le souci esthétique culmine dans sa volonté de se déployer pour un effet de style allégrement remarqué. Des personnages en sursis, tentent de tirer leur plaisir de l ‘épingle de ce cimetière à ciel ouvert. «J'ai toujours cherché à donner de l'humanité au pire, à l'homme face à la violence qui veut rester humain..» nous expliquera l'écrivain, lors de sa rencontre avec le public, mardi dernier au Centre culturel français d'Alger, puis jeudi à la librairie Noun. Et de confier: «Tout découle de mon premier roman, Le chien d'Ulysse; certaines nouvelles ont été écrites avant cela. Cyrtha-ville, cauchemar, était pour moi une manière de condenser l'histoire de l'Algérie et les mythes qu'on s'est fait de l'Algérie. Contrairement à Kateb Yacine qui s'est attelé à construire un mythe national, moi je m'évertue à le détruire..» Les douze contes de minuit nous dévoile, ainsi, le quotidien noir de ces quelques personnages dont le cousin, voyeur à ses heures perdues, Rachid Hchicha l'universitaire, son colocataire, un flic de la très spéciale BRB (brigade de répression du banditisme) surnommé le bourreau de Cyrtha, Merguez-frites, un collègue qui sauvera la vie à ce dernier...Des individus mais aussi l'enfer de la famille qui explose telle une bombe en plein minuit, avec le décès du père et la jouissance presque obscène de la mère...Un premier recueil de nouvelles qui mérite qu'on sy attarde avec délectation...Malgré la noirceur thématique qui s'en dégage mais ceci est le génie de cette écriture qui parvient à «dire» la complexité humaine et ses paradoxes, malgré ses silences, d'où l'intérêt de s'y plonger...sans aucun complexe!