Si le calme semble revenir dans la bande de Ghaza, la crise politique induite par les derniers événements est ouverte à toutes les options. Les Palestiniens qui vivent des moments cruciaux pour leur devenir immédiat et surtout à long terme, ont mis quasiment en stand-by l'avenir des territoires palestiniens. Comment en sont-ils arrivés à ces extrémités dommageables pour la cause nationale palestinienne? La question qui se pose, en effet, dans le contexte qui est celui du contentieux israélo-palestinien, est de savoir si le moment est venu pour les factions palestiniennes d'entamer une lutte pour le pouvoir -ce qui se passe depuis les élections législatives de janvier 2006 n'est rien d'autre que cela- alors que l'heure est à la résistance et à la vigilance face aux manoeuvres américano-israéliennes. Les combats fratricides de ces derniers mois -qui ont atteint un pic sanglant entre le 7 et le 15 juin avec comme résultat la prise de contrôle de la bande de Ghaza par le Hamas- ont, en fait, remis en cause plusieurs années de lutte acharnée du peuple palestinien pour faire reconnaître son droit à l'érection de son Etat indépendant. Tous les efforts que le défunt président Yasser Arafat a fait de son vivant pour la réhabilitation de la Palestine se trouvent aujourd'hui en suspens du fait d'ambitions mal placées de certains responsables tant au niveau du Fatah du président Abbas que du mouvement islamiste Hamas de Khaled Mechaâl, pressé d'imposer sa vision du futur des territoires palestiniens. De fait, les luttes idéologiques et pour le pouvoir ont fait perdre de vue, à maints responsables palestiniens, le fait que le combat contre l'occupant israélien qui reste prioritaire aurait dû leur faire abstraction de la question de suprématie qui est toujours mal venue dans un contexte comme celui dans lequel vivent les Palestiniens. Alors même que le combat pour l'indépendance et la liberté n'est pas terminé, les Palestiniens se sont installés dans une fausse quiétude reproduisant au niveau des territoires occupés tout ce qui est la plaie des pays en développement: la bureaucratie et la corruption qui ont, en fait, paralysé, en son temps, l'action du Fatah quand le Hamas veut imposer son idéologie avant même que la Palestine ne soit réhabilitée et El Qods libérée. Toutefois, il faut noter que la «communauté internationale» a une grande responsabilité dans la situation prévalant dans les territoires occupés palestiniens. La création de l'Autorité palestinienne, suite aux accords d'Oslo de 1993, est devenue de par les conditionnalités de la «communauté internationale» une fin et non un moyen de l'accès à un Etat palestinien indépendant. Avec un gouvernement sans pouvoirs réels, l'Autorité palestinienne, qui n'a d'autorité que le nom, est de fait devenue le cheval de Troie et en même temps le talon d'Achille de la cause palestinienne. Il n'y a jamais eu de partage de pouvoirs entre l'occupant israélien et l'Autorité palestinienne, Israël régentant à sa guise les territoires palestiniens (barrages et contrôles incessants, assassinats ciblés de responsables politiques et militaires palestiniens, de même que les raids meurtriers sur Ghaza, notamment, destruction délibérée de maisons, de champs et d'oliveraies qui font vivre les Palestiniens, érection d'une barrière qui morcelle outrageusement la Cisjordanie -rendant peu fiable un Etat palestinien- expansion continuelle des colonies juives de peuplement qui accaparent, de en plus en plus, les terres palestiniennes) sur lesquels l'Etat hébreu impose sa domination. D'autre part, Israël a toujours refusé à l'Autorité palestinienne de disposer d'un véritable service de sécurité doté de moyens nécessaires à même de lui permettre de mener, comme il se doit, ses missions de maintien de l'ordre. C'est l'absence d'un véritable service de sécurité palestinien qui a permis la prolifération des milices et des armes induisant l'anarchie dans la bande de Ghaza, notamment. En fait, dès la victoire du Hamas aux élections législatives de janvier 2006, la question du contrôle des services de sécurité s'est posée avec acuité, tant la présidence palestinienne voulait conserver ces services sous son contrôle alors que le Hamas, qui ne l'entendait pas ainsi, a créé sa propre «force exécutive» avec les mêmes missions que les services de sécurité officiels. De fait, en créant, en mars de l'année dernière, ces forces devenues antagonistes avec les services de sécurité officiels, le Hamas avait, de facto, introduit le ver dans le fruit en créant un pouvoir sécuritaire privé ne relevant pas de l'autorité centrale palestinienne. Il faut noter, à ce propos, que l'accord de La Mecque -qui mit fin, en février, aux affrontements entre le Hamas et les forces de la présidence palestinienne- n'a pas suffisamment examiné cette dualité et pris en compte le fait que le différend sur le contrôle des services de sécurité subsistait tant qu'il n'est pas clairement établi que ceux-ci relevaient de la seule autorité de la présidence palestinienne. Et la prise de contrôle de la bande de Ghaza par le Hamas -qui a éliminé jeudi dernier les derniers bastions des services de sécurité légaux s'y trouvant encore- n'est, en fait, que le parachèvement de ce que le mouvement islamiste avait mis en chantier dès sa victoire aux législatives. En réalité, la victoire du Hamas aux législatives a donné naissance à deux entités palestiniennes - celle de Ghaza autour du Hamas et celle de la Cisjordanie dominée par le Fatah - que la création de la «force exécutive» d'une part, la chasse aux fidèles du président Abbas, d'autre part, ont fini par entériner. Comme pour rendre irréversible ces faits deux «gouvernements» ont été nommés, l'un à Ghaza par Ismail Haniyeh et l'autre à Ramallah par le président Abbas qui a chargé Salam Fayyad de former un cabinet d'urgence. Aussi, personne n'a voulu voir le danger de cette dualité qu'a été l'existence de deux services de sécurité rivaux, situation qui, outre d'affaiblir le crédit de l'Autorité palestinienne au plan international, a ouvert la voie à de nombreux inconnus dont le moindre est de savoir ce que le Hamas va faire de sa nouvelle «victoire» laquelle, en réalité, risque surtout de remettre en question la cause sacrée de la Palestine. Les factions palestiniennes ont-elles eu une pensée pour la Palestine lorsqu'elles se sont engagées dans la lutte pour le pouvoir avec tout ce qu'un tel engrenage pouvait faire endurer au peuple palestinien?