Après l'enquête de la gendarmerie, la justice commencera dès ce matin à situer les responsabilités. Les scandales se suivent. Des dossiers chauds ont été traités ces derniers temps, tel que le procès d'El Khalifa, les walis de El Tarf et d'Oran, l'affaire de la Bcia ainsi que d'autres scandales bancaires. Quatre ans après la catastrophe, le procès dit du séisme de Boumerdès s'ouvre aujourd'hui à la grande salle de conférences de l'université M'hamed Bougerra. Cette salle, climatisée, bien équipée, très bien aménagée, peut accueillir plus de 700 personnes. Aujourd'hui, toutes les parties seront présentes à l'audience. Les accusés, les témoins et la partie civile se succéderont à tour de rôle, à la barre. Coté accusés, on y trouve trente-huit personnes convoquées. Une vingtaine d'entre elles se trouvent déjà sous contrôle judiciaire. Les motifs des poursuites sont: «homicide involontaire, blessures involontaires, négligence, fraude dans la qualité des matériaux, fraude dans la quantité des matériaux et non-respect des normes de construction». Les premiers accusés dans cette affaire sont des responsables d'entreprise, des entrepreneurs, des promoteurs immobiliers publics et privés, des architectes, des responsables de bureaux d'études, des ingénieurs, des techniciens du CTC. Pour l'heure, il s'agit de situer les responsabilités. L'enquête de la gendarmerie, remise entre les mains du juge d'instruction, fait état notamment de bâtisses érigées sans permis de construire, de falsification des études techniques, des projets réalisés sur des sites sablonneux, et notamment, le non-respect des normes de construction et de béton. Il y a lieu d'ajouter à cela, l'absence de contrôle et de suivi des chantiers. Avant-hier à Boumerdès, les sinistrés s'interrogent si la justice fera appel aux grosses pointures, impliquées d'une manière directe ou indirecte dans cette affaire. Un bon nombre de sinistrés soulignent la nécessité de voir les importateurs des matériaux de construction ne répondant pas aux normes, appelés à la barre. D'ailleurs à quelques jours de cette catastrophe, des rapports d'experts et du CTC ont révélé une flagrante tricherie dans les matériaux de construction utilisés. Lors des années 1992 à 1995, on a dénoncé la présence sur le marché de matériaux de construction qui ne répondaient pas aux normes. Cet état de fait a fait l'objet de reconnaissance même des autorités compétentes, à leur tête, le ministère de l'Habitat. Ce département a envoyé en 1995, des télex aux promoteurs publics, dans lesquels il avertit «la présence sur le marché d'acier rond à béton doux 6, 8, 10, 12 livrés en rouleaux sous forme de cerceaux provenant de différents pays, notamment de l'Ukraine, l'Egypte, la Libye et l'Espagne», note un télex envoyé le 10 janvier 1999 par la Direction de l'habitat et de l'urbanisme de la wilaya de Tipasa aux directeurs Eplf de la même wilaya. Le même télex, enregistré sous le numéro 021/11 DUC/SNI/95, mentionne également que «des essais effectués sur un échantillon D12 ont mis en évidence une teneur en carbone au-delà du taux admissible. Cette qualité d'acier est probablement d'origine ukraine (...) J'attire votre attention que l'utilisation de ces aciers en armature peut constituer un risque non négligeable compte tenu de la nature sismique du pays». Etant conscient de cette vérité, les citoyens, notamment les sinistrés, ne veulent pas faire de ce procès une simple convocation destinée seulement aux bureaux d'études et au CTC.