A Didouche-Mourad, à Zighoud-Youcef ou à Messaoud-Boudjerriou, tant de noms glorieux, les jeunes n'ont, en fait, que la harga comme perspective. Aujourd'hui, les Algériens fêtent le 45e anniversaire de l'Indépendance du pays. «Une indépendance au goût d'inachevé», estime la majorité de ceux qui n'ont pas encore atteint cet âge. Zighoud Youcef, Didouche- Mourad et Messaoud-Boudjerriou. Si les deux premières ne sont pas à présenter, le troisième doit l'être, car il n'a pas eu l'aura de ses prestigieux compagnons et martyrs. Comme eux, il a pris les armes contre l'agresseur, et comme eux, il est tombé au champ d'honneur pour que vive l'Algérie libre et indépendante. Zighoud, Didouche et Boudjerriou, ce sont aussi les noms de trois localités de la wilaya de Constantine. Après 45 ans d'une indépendance chèrement payée, Zighoud Youcef (ex-Condé Smendou) qui a aujourd'hui le statut de daïra, est l'image d'une petite ville de province. Grâce à sa proximité de la route reliant Constantine à Annaba, Didouche-Mourad (ex-Bizot) a vu sa population tripler depuis que les autorités ont décidé de faire d'elle, une immense cité-dortoir pour les milliers de relogés, victimes des glissements de terrain à Constantine. Le troisième village est celui de Aïn Kerma, rebaptisé du nom du chahid Messaoud Boudjerriou. Mais ce village enclavé dans la daïra d'Ibn Ziad vit toujours le calvaire de l'isolement. C'est, sans aucun doute, la commune la plus déshéritée de la wilaya. Le chahid Boudjerriou doit se retourner dans sa tombe! La localité qui porte son nom cumule un énorme retard dans tous les domaines. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que «rien n'a vraiment changé». L'avis paraît sans doute plus ou moins exagéré, mais il est tout de même partagé par tous ceux que nous avons interrogés. Pour certains, qui s'accrochent encore aux aspects protocolaires, «la célébration de la fête de l'Indépendance» est de plus en plus timide, à tel point qu'elle risque de n'évoquer plus rien pour les jeunes générations. Pour d'autres, la date du 5 Juillet 1962 signifie bien l'indépendance de l'Algérie, mais une indépendance qui, indiquent-t-ils, à contrecoeur, n'a pas profité a tout le monde. Le cas de Messaoud-Boudjerriou (le village) est là pour témoigner de ce qui reste à faire pour que ces commémorations aient un sens pour des villageois qui attendent toujours de bénéficier des bienfaits d'une liberté enfin retrouvée. Dans le Nord constantinois et particulièrement dans la région d'El Milia, fief du moudjahid Bentobbal, les jeunes ont une idée sur les énormes sacrifices d'une population qui avait décidé de chasser l'occupant et l'héroïsme des moudjahidine qui avaient défié la puissance militaire française lors des batailles du 20 août 1955. Beaucoup de ces moudjahidine sont morts après l'indépendance sans avoir rien obtenu et sont retournés à leur condition d'avant l'indépendance A Messaoud-Boudjerriou, les jeunes crient leur désarroi devant la mal-vie, le chômage et le manque de perspectives, devenus leur lot quotidien. Dans ces contrées des hauteurs de Constantine, où rien ne semble avoir changé lors des quatre dernières décennies, alors que le temps n'a pas permis d'oublier les affres du colonialisme, le terrorisme barbare était là rappelant des moments que l'on croyait révolus. En moins de 30 ans, la Corée du Sud s'est radicalement transformée pour devenir une puissance industrielle. En 45 ans d'indépendance, les Algériens se débattent toujours dans les problèmes d'approvisionnement en eau potable, en gaz naturel ou tout simplement de désenclavement. A El Milia, à Didouche, à Zighoud ou à Messaoud-Boudjerriou, les jeunes n'ont en fait, que la «harga» comme perspective.