Malgré son aspect gigantesque et le souci de coller sans compter à la demande de la jeunesse, la célébration de cette fête cette année aura, elle aussi, un goût d'inachevé. Les pouvoirs publics ont mis le paquet pour la célébration du 40e anniversaire de l'indépendance. C'est en fait, la premières fois, depuis la libération du pays que l'Algérie accueille autant de stars dans un laps de temps aussi court. En trois jours, les jeunes ont vu défiler une pléiade de stars internationales d'origine algérienne qui ont animé des mégaconcerts. De mémoire d'Algérois, on n'avait jamais vu une telle bousculade d'artistes aussi cotés sur la scène de Riadh El-Feth. Les autorités ne se sont pas arrêtées en si bon chemin. Un argent fou a été dépensé pour la mise en scène d'une fresque géante qui retrace le combat du peuple algérien pour son indépendance. Les responsables qui n'ont apparemment pas regardé à la dépense, ont décidé que l'entrée à tous les spectacles sera gratuit. Il n'y a pas qu'Alger qui vibre à cette occasion. Beaucoup de villes sont concernées par cette célébration qui se veut l'une des plus réussies des quarante dernières années. Une réelle volonté de marquer la date de la naissance de l'Etat algérien existe bel et bien. Plus encore, en haut lieu, on semble avoir décidé de plaire à cette jeunesse, dont le 5 Juillet est aussi la fête. Aussi, a-t-on cassé le rituel ronronnant des précédents anniversaires où l'on conviait la chanteuse Ouarda et autres artistes locaux, passés de mode, pour fêter avec le snobisme habituel des tenants du pouvoir, le jour de l'indépendance du pays. Le pari a-t-il été réussi pour autant? Certes, les jeunes ont profité du cadeau de leurs aînés pour se défouler au maximum, mais force est de constater que l'on est pour danser et non pour célébrer la date, de loin, la plus importante de l'histoire de la nation. Il ne restera dans la mémoire des Algériens que les relents musicaux de Khaled, Mami, Faudel et autre Boutella. Et pour preuve, la fête n'est pas dans les coeurs. Depuis juillet 62 où la liesse spontanée est encore dans les mémoires des citoyens qui ont vécu ce jour mémorable. De juillet 63 à nos jours, la situation politique, sociale et économique du pays ne s'est pas trop améliorée. Il est évident que le peuple a fait un sérieux bond dans tous les domaines de la vie, mais cette amélioration constatée durant les années 70 et 80, n'était en réalité que factice. Les premiers signes de la crise ont balayé tout le mieux être arraché par la force de la volonté. Le système venait de montrer ses limites. Les anniversaires de l'indépendance de la décennie 90 sont passés totalement inaperçus. Les Algériens étaient occupés à faire la comptabilité macabre. Mais même avant la crise, les coeurs n'étaient pas vraiment à la fête. Dépourvus de toute expression démocratique durant 20 ans, les citoyens assistaient en spectateurs aux défilés organisés par le pouvoir où seul le discours officiel était toléré. La spontanéité du 5 Juillet 62 a cédé la place à des festivités dégarnies du génie populaire. Les arts et la culture du pouvoir prenaient le pas sur la sensibilité artistique du peuple algérien. Résultat: la fête a totalement perdu son sens initial. Peu à peu, les Algériens se sont mis à considérer ce jour au même titre que les autres jours fériés du calendrier. La crise économique et la situation sécuritaire n'arrangent sans doute pas les choses. Aussi, toutes les tentatives des pouvoirs publics de célébrer l'événement ont-elles buté sur l'espoir de l'écrasante majorité des citoyens de voir leur pays sortir définitivement de l'ornière où l'a mis le système corrompu. Malgré son aspect gigantesque et le souci de coller sans compter à la demande de la jeunesse, la célébration de cette année aura, elle aussi, un goût d'inachevé. Rendez-vous est pris pour le 41e anniversaire, peut-être que les Algériens auront envie de fêter leur liberté retrouvée.