La tension est montée de plusieurs crans, hier. Rien ne va plus en Kabylie. Loin de se calmer, Tizi Ouzou et Larbaâ Nath Irathen, notamment, ont connu une situation des plus confuses. Tard dans la soirée de lundi, les forces de police ont occupé le siège de la permanence de la Cadc et procédé à l'interpellation de près d'une trentaine de jeunes qui s'y trouvaient. Toute la documentation de la Cadc a échappé à une éventuelle saisie. Depuis près de deux jours, les délégués, ayant eu vent d'une possible arrestation de délégués - une «liste» de 21 personnes circulaient à ce sujet, de bouche à oreille - toute la documentation a été transférée ailleurs. En fait, 18 personnes ont été interpellées. Immédiatement après ce «coup de force» de la police, de nombreux jeunes s'en prirent aux forces de l'ordre. Au niveau de l'ancien siège du groupement de la gendarmerie, désormais occupé par la police, et au niveau de la cité Cnep, sise aux environs de l'APC, les échauffourées se sont déclarées. Les cocktails Molotov, les pierres et autres projectiles s'échangèrent sans retenue avec les grenades lacrymogènes. Il a fallu attendre l'aube pour que la situation se calme quelque peu pour reprendre hier. Vers 10h, les foyers de tension se rallument en ville. L'abcès de fixation étant, au départ, le siège de la permanence de la Cadc. Puis les autres quartiers s'embrasent: outre la cité Cnep, le quartier Le Grand Mondial et le tribunal au centre-ville ont connu des échauffourées. Au quartier de la cité Les Genêts, une grenade lacrymogène ayant «dévié» de sa trajectoire, a blessé une fillette qui a été transférée au CHU Nedir. La rumeur sur les arrestations s'amplifie. On parle de deux nouvelles interpellations hier. Quelques jeunes interpellés la veille auraient été relâchés. Larbaâ Nath Irathen, Tizi Rached, Mechtras, Irdjen et Fréha ont, aussi, connu la tension. A Larbaâ Nath Irathen, hier, les événements s'étaient précipités. Des gendarmes ont défoncé la porte principale du Centre culturel Ahcène-Mezani, sis à un kilomètre environ du siège de la brigade de gendarmerie. Ils ont commencé à saccager le local et à en bousculer sérieusement les occupants, y compris les filles, puis ils ont rudement malmené un élu local avant de l'interpeller. Relâché quelque temps a reçu les premiers soins. Dans une déclaration commune, les APC de Larbaâ Nath Irathen et d'Irdjen « mettent le pouvoir central devant ses responsabilités quant aux conséquences dramatiques qui peuvent découler de cette situation». De leur côté, les élus FFS à l'APW de Tizi Ouzou ont rendu publique une déclaration assez musclée, dans laquelle ils ciblent le pouvoir. Ainsi, selon eux «la promesse de la consécration de tamazight comme langue nationale et du retrait de la gendarmerie n'est, en fait, qu'une tentative de diversion et de manipulation...» Et les élus FFS d'appuyer dans leur déclaration: «Il est maintenant clair que l'escalade dans la violence et la répression (...) vise l'entretien du pourrissement et la singularisation de la Kabylie. Comme elle favorise l'impasse, nourrit les velléités séparatistes et encourage les radicaux populistes jusqu'au-boutistes...» Par ailleurs, le conclave de la Cadc de wilaya, qui s'est tenu aux Ouadhias, a dans une déclaration, condamné l'occupation de la permanence de la Cadc ainsi que l'arrestation des délégués et citoyens à Tizi Ouzou et Béjaïa. La Cadc, qui a institué une cellule de crise avec le développement de la situation, «somme les CNS de quitter immédiatement les locaux de la permanence et exige la libération immédiate et inconditionnelle des délégués et citoyens arrêtés». Le conclave «déclaré ouvert» a, en outre, arrêté plusieurs actions. Une marche soulignée par une grève générale est ainsi décidée pour demain. Comme il a été décidé de faire appel à tous les citoyens, particulièrement les employés des APC et des daïras, d'avoir à respecter deux jours de grève avant la tenue des élections et deux autres journées immédiatement après. Quant à la journée du 30 mai, il est fait appel aux villes et aux villages de Kabylie d'observer «une journée ville morte».