Ce désordre au sein de l'Exécutif explique qu'un grand malaise entoure le dossier de privatisation dans son ensemble. Gouvernement bicéphale ou divergence totale d'approches. L'impression qui se dégage de l'actuel gouvernement est qu'il n' y a plus de chef d'orchestre. Qu'on en juge par ces annonces faites le matin par un ministre et remises en cause le soir par un autre: «La privatisation d'Algérie Télécom n'est pas pour maintenant», a affirmé Abdelhamid Temmar, ministre de l'Industrie et de la Promotion des Investissements, vendredi, à Paris, lors d'une rencontre avec des hommes d'affaires français au siège du Medef. Cela signifie que les opérateurs étrangers qui sont intéressés par cette offre, doivent attendre un nouveau délai de plusieurs mois. Chez le ministre de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication, on n'a pas le même son de cloche. Pour M.Boudjemaâ Haïchour, l'ouverture du capital du groupe Algérie Télécom (AT) se fera au plus tard au début de l'année 2008. Il a annoncé que l'Algérie est tenue par des délais, affirmant que la banque espagnole Santander, «a accompagné l'Algérie dans le traitement du dossier de l'ouverture du capital d'AT». Cette déclaration a été faite de façon solennelle devant des organes de la presse nationale, en marge d'une rencontre sur la formation dans les technologies de l'information et de la communication. Plus encore, le ministre a souligné que «le dossier est ficelé depuis maintenant 8 mois et qu'il a même été remis au chef du gouvernement». Boudjemaâ Haïchour, qui semblait sûr de ses propos, avance également qu'il s'est lui-même impliqué dans la gestion de ce dossier puisqu'il est «en train de sensibiliser au maximum pour que les choses se fassent dans les plus brefs délais». Aussi, les propos tenus par M.Temmar à Paris viennent remettre en cause toutes les déclarations de son collègue du gouvernement. Il arrive qu'on ait des approches différentes sur des questions politiques et économiques mais étaler devant des partenaires étrangers des divergences sur un dossier censé être ficelé est préjudiciable pour le pays à plus d'un titre. Cela affecte d'abord la crédibilité des responsables algériens et de leur démarche dans le processus des réformes économiques. Ensuite, cette situation remet en cause la solidarité gouvernementale qui ne semble pas exister par ailleurs. Ensuite, elle traduit parfaitement l'existence de plusieurs centres de décision. Voilà donc qui montre une divergence totale dans la démarche du gouvernement qui avance à la fois une chose et son contraire. Un véritable cafouillage. Le plus grave c'est qu'il n'est pas le premier. L'épisode de la gestion de la pomme de terre n'est pas encore terminé. La manière dont les ministres de l'Agriculture et du Commerce se rejetaient la responsabilité renseigne sur cette solidarité gouvernementale. Ce désordre au sein de l'Exécutif explique qu'un grand malaise entoure le dossier de privatisation dans son ensemble. Il faut relever, aussi, les contradictions entre les assurances données par le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem au FFS et les mises au point sans appel faites au même parti par le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Yazid Zerhouni. Une politique sur fond de divergences. Deux ministres qui suivent une ligne d'un seul gouvernement, qui sont censés appliquer le programme du président de la République, se contredisent de fond en comble en l'espace de quelques jours. Et le cas d'AT vient de mettre à nu tous ces dysfonctionnements. Après que Boudjemaa Haïchour ait assuré les opérateurs étrangers de la tenue des délais de l'ouverture du capital, un autre prolongement non expliqué décidé par Abdelhamid Temmar, vient s'ajouter pour rallonger le cours des travaux entrepris depuis des années. Quel est l'enjeu visé de cette décision? Les reports successifs de la finalisation de ce processus n'ont jamais été justifiés. Pourtant, ce projet d'ouverture du capital, lancé il y a trois ans, faut-il le rappeler, a suscité l'intérêt d'une quarantaine de banques et entreprises européennes, nord-américaines, sud-africaines, du Golfe et latino-américaines, qui attendent la levée du blocus sur cette affaire. Sur un autre plan, l'ouverture du capital d'AT a été jugée très importante, du point de vue de sa contribution dans le développement du marché de la téléphonie fixe, qui souffre d'un énorme retard par rapport aux pays voisins du Maghreb.