Des intellectuels s'opposent sur l'interprétation de l'histoire de tout un pays: l'Espagne. Parce que l'Espagne «redevient plus que jamais l'avant-poste de défense de la frontière méridionale de l'Europe», l'actualité politique européenne semble secouer, avec une trop peu discrète titillation de recommandations, ce pays où l'histoire du peuple avec un H avait réuni exceptionnellement les trois communautés monothéistes (Chrétienne, Musulmane, Juive), - d'aucuns y verraient là un signe divin. Pour avoir une claire vision de cet état de fait historique et incontestablement humain, il est indispensable de prendre connaissance des Actes du colloque tenu à l'Institut du Monde Arabe de Paris les 9 et 10 novembre 2001, publiés sous la direction de José Antonio Alcantud et François Zabbal et sous le titre très prenant Histoire de l'Andalousie, mémoire et enjeux(*). Parler de l'Andalousie (Andalucía) qui, pour les uns, désigne l'actuelle province d'Espagne ou d'Al-Andalus qui, pour les autres, désigne «le territoire musulman qui lui a légué son nom», il n'en demeure pas moins exact que c'est toujours étrange de livrer au mépris un espace historique majeur de l'Espagne qui est l'Espagne musulmane, - ce qui soulève, disent les historiens et les écrivains, des ambigüités et des impropriétés linguistiques fâcheuses pour la concrétisation d'un rapprochement naturel entre les communautés espagnoles d'aujourd'hui. Il est patent que la xénophobie, en terre d'Espagne comme dans plusieurs pays d'Europe, connaît un regain très inquiétant pour les musulmans dont la vie spirituelle est tendue vers le respect et l'amour du prochain. Cependant, on observe que l'Espagne officielle s'évertue à gérer au mieux de leurs intérêts ses citoyens de confession musulmane. Elle le fait, aidée de ses institutions politiques et culturelles et de ses spécialistes indépendants, dans plusieurs directions: littérature, beaux-arts, histoire, sociologie... De nombreux thèmes significatifs de la crise qui se développe au coeur de l'entité espagnole et se reportant à l'Andalousie sont abordés dans le recueil Histoire de l'Andalousie. Le vocable «Andalousie» est reconnu comme une entité parfaitement réelle et qu'il faut désormais préciser, définir, expliquer. Pour y parvenir, rien n'est gratuit, rien n'est toléré, rien que la réflexion ne mesure, n'évalue au profit de la personne humaine: l'Espagnol qu'il soit Chrétien, Musulman, Juif, qu'il croit au Ciel ou qu'il n'y croit pas. On doit pouvoir retrouver -non plus seulement y rêver- les «Andalousies» en partage entre tous les citoyens d'Espagne. Le débat, que permet, qu'exige l'Andalousie, est présent dans «la littérature européenne», dans «les variations arabo-espagnoles sur l'Andalousie musulmane» et dans l'étude du «moment andalou dans l'histoire». Ce sont là les thèmes principaux abordés en toute raison dans le recueil. Peut-être allons-nous comprendre quelque peu combien est grave pour l'humanité d'aujourd'hui de ne rien tenter de construire maintenant qui ne soit une espérance, un projet serein d'avenir où s'épanouiront mille millions d'«Andalousies» citoyennes et heureuses... En réalité, cette problématique est apparue dans toute son acuité aux premiers temps de l'histoire de l'Espagne moderne. Plusieurs rencontres d'intellectuels éminents ont déjà eu lieu dans le passé pour essayer de clarifier les concepts historiques, culturels et cultuels des Espagnols musulmans. De ces rencontres entre hommes de bonne volonté, parmi les plus marquantes restent, peut-être encore, celles les plus proches de nous dans le temps. On retient l'intervention de Jacques Berque au Collège de France en 1981, le Colloque tenu à l'Institut du Monde Arabe en 1998, sous le brillant et évocateur intitulé Le Mythe andalou, et la toute récente rencontre internationale de Cordoue (octobre 2007), à l'initiative de l'Espagne sur la question des discriminations à l'égard des musulmans et les possibles améliorations des relations intercommunautaires. De l'avis de l'ensemble des participants, notamment ceux d'Europe, d'Afrique et des pays musulmans, à cette rencontre de Cordoue, l'Espagne s'est engagée à trouver des solutions plus hardies, plus justes, aux revendications légitimes de ses citoyens musulmans. Elle a invité également tout particulièrement les pays d'Europe à le faire. Que l'Espagne commence, qu'elle active, qu'elle milite, qu'elle sorte des sentiers tortueux, balisés de préjugés, néfastes à sa sainte gloire! Désormais, son Histoire -riche en événements, en expériences, en symboles, en questionnements où se valorisent les terres éternelles de son entité immuable- lui a tracé bel et bien sa définitive Voie. L'Espagne -Nation et Société- est dans la Communauté européenne! (*) HISTOIRE DE L'ANDALOUSIE, MEMOIRE ET ENJEUX Sous la direction de J.A.Alcantud & F.Zabbal Ed. l'Archange Minotaure / Inst. du Monde Arabe, France, 2003, 280 pages.