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Les dits et non-dits d'une visite
NICOLAS SARKOZY SERA DEMAIN À ALGER
Publié dans L'Expression le 02 - 12 - 2007

Après une rapide prise de contact en juillet dernier, revoilà le président Sarkozy à Alger en quête de relations d'un meilleur niveau.
Nicolas Sarkozy arrive demain à Alger précédé par une mini-crise - vite remise dans son contexte naturel - qui entre de plain-pied dans les relations entre l'Algérie et la France qui n'ont jamais été banales. Cette première visite d'Etat en Algérie du nouveau président français, en dépit de la crispation qui a jalonné les rapport algéro-français, notamment ces derniers jours, n'en est pas moins porteuse d'enjeux importants dans les rapports entre les deux pays. Il est patent que Nicolas Sarkozy viendra à Alger avec l'idée de vendre à l'Algérie aussi bien les centrales nucléaires françaises que de convaincre ses interlocuteurs algériens quant au bien-fondé de son projet d'Union méditerranéenne.
Toutefois, il est tout aussi évident que les choses ne sont pas et ne peuvent être aussi simples que l'on veut le faire croire d'autant que, d'une manière ou d'une autre, le contentieux historique entre l'Algérie et la France ne peut être ni ignoré ni dépersonnalisé. Cet arrière-fond «d'Histoire» commune entre Alger et Paris, demeurera, de fait, l'épée de Damoclès qui perturbe et continuera à perturber les rapports entre les deux pays, tant que la France n'aura pas assumé dans leur totalité les crimes commis en son nom par la colonisation. Comment, en effet, prétendre construire des relations sereines, apurées et durables entre l'Algérie et la France tant que subsistera le spectre du passé colonial français et si la France officielle refuse ce geste de reconnaissance propre à résorber cette triste page entre nos deux pays et à redimensionner des rapports qui ne peuvent être bénins tant ce qui lie l'Algérie à la France, la France à l'Algérie, est aujourd'hui tellement inextricable qu'il serait fallacieux d'en déterminer la quintessence. Or, même ce que la France ne nous a pas donné, nous l'avons pris, conservé et développé comme c'est le cas de la langue française, que l'écrivain algérien Kateb Yacine avait qualifié de «butin de guerre».
En 1962, l'Algérie n'était pas francophone, une minuscule minorité comprenait le français, en 2007 le français est une langue usitée par une large majorité d'Algériens. Notre pays est le premier pays francophone (hors la France) dans le monde, même si celui-ci ne fait pas partie de l'Organisation internationale de la francophonie. La part des émigrés algériens au développement de la France est mesurable en chiffres et en taux tant cette catégorie de citoyens franco-algériens occupe des postes de plus en plus névralgiques dans la hiérarchie politique, économique, commerciale et culturelle de la France d'aujourd'hui. Et ce n'est pas M.Sarkozy qui nous démentira qui s'est entouré d'une brochette de cadres algériens issus de l'émigration, en leur confiant des postes de ministres ou de conseillers.
Cela pour dire que les relations entre l'Algérie et la France ne sont pas et ne peuvent être ni modiques ni convenus au regard, singulièrement, du poids de l'Histoire commune -avec tout ce qu'elle a de positif et ce qu'elle a pu avoir de négatif- qui condamne Alger et Paris à oeuvrer dans le sens d'aplanir des contentieux que des ressentiments inévitables peuvent ici et là éveiller.
Cela, sans pour autant que la France soit absoute d'une repentance qu'elle doit d'une manière ou d'une autre, assumer. Ceci dit, il faut aussi admettre que la visite du président Sarkozy en Algérie est une visite intéressée, ne serait-ce que dans l'objectif de renforcer la présence économique et commerciale française en Algérie. De fait, déjà, lors de sa visite éclair du 11 juillet, Nicolas Sarkozy avait annoncé la couleur en proposant des centrales nucléaires françaises à Alger. Paris est aussi intéressée par le gaz algérien et reste, tous objectifs confondus, notre principal partenaire commercial.
La forte délégation d'hommes d'affaires qui va accompagner le président Sarkozy dit bien la détermination du chef de l'Etat français de continuer sur sa lancée marocaine et chinoise en «fourguant» aux Algériens le «made in France» en quantité industrielle.
De fait, dans les relations d'Etat à Etat, la seule amitié patente est celle des intérêts d'Etat, le reste est un peu à l'image de la météo avec ses hauts et ses bas. Nicolas Sarkozy arrive aussi à Alger avec l'idée de nous vendre son projet d'Union méditerranéenne. Un concept qui, en vérité, demeure vague et flou qui n'indique pas où veut en venir son promoteur, nonobstant l'embarrassant dossier de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, contre laquelle le chef de l'Etat français s'est prononcé. Mais trouver un «gîte» de rechange pour Ankara est loin d'être une finalité en soi.
Aussi, Alger attend un peu plus d'explications de la part de notre illustre hôte sur un projet qui ne peut être ni concurrent au processus de Barcelone, ni une annexe du Groupe 5+5 et encore moins un prolongement de l'Union européenne. Alors, cette Union méditerranéenne, c'est quoi, pourquoi et pour qui? Beaucoup d'interrogations en somme, mais peu de réponses. Et puis, il faut bien admettre que M.Sarkozy est resté évasif, pour ne pas dire ambigu, sur un projet qui met en balance l'ensemble des pays du pourtour méditerranéen, y compris le futur Etat palestinien, sur lequel l'hôte de l'Elysée est resté étrangement silencieux, ne manquant pas, en revanche, de dire le droit d'Israël à vivre en sécurité, sachant pourtant que la sécurité de l'Etat hébreu est liée à l'existence d'un Etat palestinien doté de tous les attributs de la souveraineté.
Gageons que M.Sarkozy sera plus explicite sur la place qui sera réservée à la Palestine dans l'espace méditerranéen qu'il appelle de ses voeux, d'autant que la position de la France, membre permanent du Conseil de sécurité, lui commande de peser, positivement, sur le dossier afin de lui donner une issue qui ne lèse aucune partie.
Il en est de même pour ce qui est du contentieux du Sahara occidental, dans lequel la position à double entente défendue par la France va à l'encontre des résolutions de l'ONU, lequel considère la question sahraouie comme un problème de décolonisation.
L'appui ostensible apporté par M.Sarkozy au Maroc, lors de son passage à Rabat le 23 octobre dernier est, le moins qui puisse être dit, en décalage par rapport au droit international et, plus généralement, du droit des peuples à l'autodétermination, comme stipulé par les résolution pertinentes du Conseil de sécurité, en conformité avec la Chartre de l'ONU, que Paris est censée défendre et respecter. Demain, Nicolas Sarkozy aura à clarifier auprès de ses interlocuteurs algériens nombre de points d'intérêt commun, encore en suspens.


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