L'occasion est donnée aux musulmans de s'impliquer dans le débat pour sauver l'Islam des démons de l'intégrisme. Vendredi en fin de journée, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, le président du Parlement européen Hans-Gert Pöttering, le secrétaire général du Conseil de l'Europe...soit l'ensemble des responsables internationaux du monde occidental, ont dénoncé et condamné la diffusion sur le site de vidéo «liveleak.com» du film de 17 minutes Fitna, du député populiste néerlandais Geert Wilders. Le secrétaire général de l'Otan, le Néerlandais Jaap de Hoop Scheffer, lui, s'est dit «craindre d'éventuelles réactions violentes des Afghans contre les soldats de l'Organisation transatlantique opérant au pays des talibans.» Là est toute la nuance. Le SG de l'Otan n'a pas dénoncé ou condamné comme l'ensemble des responsables internationaux «l'agression» faite aux musulmans par son compatriote Geert Wilders. Il s'inquiète du sort des soldats de l'Otan. C'est dire que même de très hauts dirigeants à l'échelle planétaire peuvent commettre des lapsus révélateurs. Ce n'est pas tant le «film» qui les dérange. Encore moins le sentiment et la dignité des musulmans. C'est plutôt les éventuelles réactions violentes de quelques illuminés musulmans contre le monde occidental ou ses symboles. Dans la même soirée de vendredi, les radios belges diffusaient en boucle un communiqué du ministère des Affaires étrangères appelant à «la prudence les ressortissant belges se rendant dans un pays musulman». Autre technique, voulue ou pas, d'assurer la promotion du «spot» publicitaire du populiste hollandais et de conforter l'idée d'intolérance et de violence collée à la religion musulmane. Détrompons-nous, l'amalgame fait entre Islam et violence n'est pas une vue de l'esprit en Occident. C'est une conviction bien ancrée dans le conscient du monde occidental. C'est pour cela qu'il faut se féliciter des appels de la quasi-totalité des organisations civiles et associations musulmanes à travers le monde occidental de ne pas répondre à l'insulte, à l'agression. Eviter le piège de l'affrontement. En cette année 2008 dédiée par l'Union européenne au dialogue interculturel et inter-religieux, l'occasion est donnée aux musulmans de s'impliquer dans le débat pour sauver l'Islam des démons de l'intégrisme et des idéologies totalitaires qui l'emprisonnent. Autrement dit, ce sont d'abord et en premier lieu les musulmans, notamment les intellectuels et responsables politiques qui ont la lourde charge de le débarrasser du discours d'intolérance et de violence que lui attribuent les sorciers et fous du courant intégriste. Sortir l'Islam de son carcan moyenâgeux, l'admettre dans la modernité et les canons de la démocratie, tels sont, entre autres, les défis qui l'attendent à l'entame de ce troisième millénaire annonciateur d'une mondialisation inévitable. S'il nous faut nous rappeler que ce n'est pas la première fois qu'une telle provocation a lieu, il faut surtout bien saisir que ce ne sera pas la dernière. Des caricatures portant atteinte au Prophète de l'Islam (Qsssl) en 2005, au film Soumission de l'autre hollandais Théo van Gogh assassiné en 2004 par un intégriste, à la somalienne Ayaan Ali Hirsi, devenue hollandaise parce que pourfendeuse de l'Islam et...depuis les attentats du 11 septembre de l'an «1» du XXIe siècle et la mondialisation du label Al Qaîda, comment ne pas comprendre que des forces obscures s'attellent à donner raison à la théorie de Samuel Huntington du «choc des civilisations»? La démonstration est faite à travers la promotion internationale de ce petit court métrage débile et glauque de ce député fasciste d'extrême droite hollandaise. Un quelconque livre, discours, film touchant à l'Islam, aussi crétin soit-il, soulève une tempête médiatique et politique internationale dans laquelle les musulmans se retrouvent dans le rôle du coupable intolérant et les provocateurs dans celui de la victime au nom de la liberté d'expression. Ce sont là aussi de terribles constats. Pour ces raisons et bien d'autres, il nous insupporte d'en arriver à rentrer dans cette campagne publicitaire de cette ignominie en nous défendant par un simple écrit. Il y a tant à faire, par ailleurs, pour que le monde musulman accède à sa propre modernité, à sa liberté.