Tel-Aviv ne veut pas de la mission de l'ONU d'établissement des faits. Viendra, viendra pas? C'est à peine croyable, mais cela est bien la réalité aujourd'hui au Proche-Orient où c'est le criminel qui décide s'il autorise ou non la venue d'une équipe d'enquêteurs pour établir les faits de ce qui s'est passé dans les territoires occupés, notamment à Jénine. Depuis mercredi, les Israéliens font courir l'ONU, la faisant même tourner en bourrique lorsque Ariel Sharon demande un délai supplémentaire de «réflexion» estimant n'avoir pas été «satisfait» par les éclaircissements donnés par l'ONU quant au mandat de l'équipe d'établissement des faits du Finlandais Martti Ahtisaari. Si le chef du gouvernement israélien en est encore à réfléchir, sur le feu vert à donner à l'ONU, la hiérarchie militaire israélienne s'oppose totalement à cette enquête de l'ONU. Et pour cause, l'armée israélienne étant directement accusée de crime de guerre et de crimes contre l'humanité contre la population palestinienne du camp de Jénine, aujourd'hui rasé par les bulldozers israéliens. Les crimes de génocide nous ont enseignés ces dernières années - comme l'ont montré les derniers en date, concernant le s serbes contre les Bosniaques et les Albanais du Kosovo -, que les instances internationales avaient toute autorité pour interroger toute personne pouvant permettre à faire établir la vérité. Or, Israël prétend, comme vient de le déclarer son chef de la diplomatie, Shimon Peres, contrôler la mission et décider qui elle doit voir ou non. Le ministre israélien des Affaires étrangères a ainsi affirmé qu'«Israël ne peut accepter l'exigence de la mission de décider quels militaires elle interrogera», indiquant: «Israël n'est pas sur le banc des accusés, mais sur celui des accusateurs et ne doit surtout pas donner l'impression d'avoir quelque chose à cacher.» Le chef d'état-major, le général Shaoul Mofaz est plus catégorique en s'opposant, quant à lui, à ce que «des militaires (israéliens) soient interrogés par la commission». On ne le répétera jamais assez: Israël est un Etat hors normes. Ce qui est bon pour les généraux serbes de l'ex-Yougoslavie, et pour Slobodan Milosevic, ne l'est pas pour les généraux israéliens et pour Ariel Sharon. Ce qui donne cette image surréaliste de l'ONU négociant son droit de savoir ce qui s'est passé au camp martyr palestinien de Jénine. Ainsi, le bourreau israélien propose et la communauté internationale dispose. Unique dans les annales de la diplomatie et de la guerre! Le Conseil de sécurité avait, en 1990 fait appel au chapitre VII de la Charte de l'ONU pour intervenir militairement en Irak. Faut-il y recourir à nouveau, nonobstant le prévisible veto américain, pour que force reste aux Nations unies de faire établir toute la lumière sur les massacres commis par l'armée israélienne contre la population palestinienne à Jénine, à Naplouse, à Tulkarem, à Ramallah, à Kalkyliya, à El-Khalil, à Bethléem et dans les innombrables villages palestiniens toujours sous le joug de l'occupation de l'armée israélienne? Hier, la situation était toujours en suspens et la mission de l'ONU bloquée à Genève, Israël refusant de l'accueillir dans son cadre de référence actuel. Il est clair que Tel-Aviv veut gagner du temps et use de tous les artifices pour saboter la mission ou, à tout le moins, la faire dévier de son devoir de découvrir la vérité sur ce qui a eu lieu dans le camp de Jénine. Israël ne veut pas que le monde sache l'ampleur du génocide commis contre les Palestiniens défiant une communauté internationale qui n'est pas aussi impuissante que l'on veut bien le faire croire. En tant que membre de l'ONU, Israël est soumis aux mêmes lois des Nations unies qui s'imposent à tous. Faire croire, ou faire admettre, le contraire serait très grave pour la paix dans le monde. A l'ONU de prendre, dans ces circonstances, toutes ses responsabilités afin de faire se conformer Israël au droit et aux lois internationaux. De fait, une réunion d'urgence du Conseil de sécurité est programmée en soirée d'hier (à 20h 30 GMT, 21h 30 heure algérienne) pour faire le point «après le refus israélien» de recevoir la mission de l'ONU d'établissement des faits de ce qui s'est passé à Jénine, a annoncé une source officielle des Nations unies à New York. Ainsi, le bras de fer entre les Nations unies et Israël se poursuit, mettant de la sorte en échec la raison même de l'existence de l'ONU.