La désignation du conseil français du culte musulman risque de ne pas voir le jour le 23 juin prochain, date prévue pour la consultation, ou du moins de se faire sans la participation de la Grande mosquée de Paris, ce qui rendrait le processus engagé depuis maintenant deux ans désuet. Le poids de cette dernière en France est très important et elle est saluée, comme l'a fait dernièrement le président Jacques Chirac, pour «son islam tolérant et pacifique» L'Union des organisations islamiques de France, proche des Frères musulmans, est donnée comme favorite à cette consultation, du fait qu'elle contrôle la majorité des lieux de culte et les différentes associations musulmanes. Selon des fidèles rencontrés dans le XVIIIe arrondissement de Paris où la communauté algérienne est importante, l'UOIF a fait dans l'infiltration et l'entrisme pour faire une OPA sur les lieux de culte, avec l'aide du MSP de Mahfoud Nahnah, du mouvement Tabligh et El-Islah. La présence de Nahnah à la rencontre de l'UOIF, organisée du 9 au 12 du mois en cours au parc des expositions du Bourget dans la banlieue parisienne, aux côtés de Issam A-Bachir, ministre des Affaires religieuses du Soudan et de Ahmed Al-Arwi, président des organisations islamiques de l'Europe, n'échappe pas à ces fidèles qui veulent garder les lieux de culte «loin de toute instrumentalisation par les frères musulmans». Dans son discours d'ouverture de jeudi dernier lors de la rencontre de l'UOIF, son président Lhaj Thami Breze, d'origine marocaine, a été menaçant envers la Mosquée de Paris sans toutefois la citer. Il dira que «malheureusement, la question de la représentativité est plus que politisée. Pour des raisons politiques, certains sont prêts à sacrifier plus de deux ans d'efforts et de préparation. Nous pensons que toute tentative qui risquerait de faire avorter ce travail devra être condamnée et dénoncée (...) en tout cas, nous sommes déterminés de même que l'est aussi la quasi-totalité des représentants des lieux de culte à aller aux élections du 23 juin 2002», a-t-il averti. Déjà, dans un communiqué adressé le 3 avril dernier aux membres de la commission d'organisation de la consultation, le président de l'UOIF et son secrétaire général, Fouad Alaoui, étaient menaçants: «Nous constatons, de plus en plus, une dérive dans les décisions prises par ladite commission qui outrepasse des décisions antérieures...», ont-ils écrit dans leur document en ajoutant plus loin que de telles décisions «...nous font entrer dans une anarchie et une irrégularité totales qui éloignent le processus de la consultation de son esprit initial qui se devait d'être au service de toute la communauté musulmane de France et non des intérêts limités et partisans». Pour sa part, le recteur de la Grande mosquée de Paris, avait, dans des propos déclarés au journal Le Monde, expliqué le pourquoi du report de l'élection du conseil du culte. Selon ses dires: «Le gouvernement français va changer. Nous allons vivre un hiatus administratif. Les équipes vont changer au ministère de l'Intérieur. Il est plus sage, pour des raisons nationales, de procéder à l'élection des représentants musulmans dans une atmosphère sereine» et d'ajouter: «De nombreux problèmes techniques et des cas critiques n'ont pas été réglés dans le processus en cours. Plusieurs contentieux doivent êtres sérieusement examinés.» Le recteur de la Grande mosquée de Paris n'a pas manqué de monter du doigt, dans le même journal, «l'entrisme de certaines organisations islamistes», faisant sans doute allusion à l'Union des organisations islamiques de France. En attendant, le conseil français du culte musulman sera-t-il élu le 23 juin prochain? Et dans le cas où il serait désigné, sera-t-il représentatif de tous les musulmans de France?