Le Conseil national économique et social est-il en train de succomber de morte lente? Cette institution de la République a été créée principalement pour apporter, un tant soit peu, des éclairages substantiels au gouvernement sur des questions relevant de ses attributions. Il se propose également de poser les termes de problématiques d'actualité de façon hardie, de manière à identifier des traitements nouveaux et complémentaires aptes à surmonter les tendances lourdes qui handicapent durablement l'économie nationale. La force du Cnes à travers ses membres venus d'horizons divers, était de rechercher un consensus sur l'intérêt des questions soulevées et de dépasser les difficultés inhérentes à la recherche de solutions avec toute la rigueur intellectuelle voulue dans la démarche. Cette approche novatrice soulevait bien entendu moult débats internes vu les différentes sensibilités composant les commissions de réflexion. Les questions de développement dans le cadre économique et financier national et international avaient, bien sûr, la priorité. Mais d'autres sujets aussi complexes que ceux de la prise en charge de la jeunesse ou de la femme dans une société fragilisée et en pleine mutation, la question de nos populations vivant à l'étranger, avaient également leur place aux côtés des problématiques parfois récurrentes telles, à titre d'exemple, l'agriculture, l'eau, le foncier, les infrastructures de base, les privatisations, la dette, etc. Au plan international, tout un chacun s'accorde à dire que le Cnes, en un laps de temps très court, a atteint tous ses objectifs et principalement celui de placer l'Algérie, alors isolée au plan diplomatique, au firmament des Conseils économiques et sociaux de par le monde par la mise en oeuvre d'une stratégie mûrement réfléchie, basée notamment: - sur le choix et la qualité des productions soumises à étude, d'où une réflexion sur des problèmes d'intérêt commun, touchant l'Algérie, le Bassin méditerranéen et l'Afrique. - nouer des relations bilatérales institutionnalisées avec les CES du Maghreb et d'Afrique. - partir à la «conquête» des CES occidentaux avec comme force de frappe la présentation de contributions élaborées par l'Algérie et adoptées par les CES africains comme document de référence. Les résultats ne se sont pas fait attendre. Le Cnes d'Algérie a été élu à l'unanimité à la présidence de l'Union des Conseils économiques d'Afrique (Ucesa) pour être installé deux années plus tard à la tête de l'Association internationale des CES, dominée depuis toujours par le CES français, fier de sa longévité, assise sur sa légitimé constitutionnelle. Tous ces acquis sont-ils perdus aujourd'hui? Ainsi, l'Union des Conseils économiques d'Afrique (Ucesa), présidée par l'Algérie, se doit d'avoir un siège au sein de la Commission économique de l'Union africaine (UA), en tant qu'acteur privilégié de la société civile africaine aux côtés d'autres organisations ou institutions panafricaines, car les dossiers à plaider sont nombreux et fort complexes, surtout ceux ayant trait à la lutte contre la pauvreté, la couverture sanitaire, l'éducation, la formation professionnelle... S'agissant de notre pays, tout le monde s'accorde à dire que notre économie souffre d'une vision claire, basée sur une stratégie globale et articulée, pour faire émarger une population toujours plus nombreuse aux mérites du système et de la prospérité. La base de cette stratégie repose avant tout sur des statistiques viables et une planification rigoureuse. Avec sa note de conjoncture semestrielle, le Cnes, faute d'instruments d'évaluation corrects, s'efforça, à travers de nombreuses auditions de hauts responsables de l'Etat et d'institutions publiques, d'apporter les éclairages nécessaires à l'évaluation la plus proche de la réalité. Exercice périlleux qui ne contente pas tout le monde! Pourtant la note de conjoncture n'est qu'un document comme un autre de référence analysant la santé de l'Algérie; sans couverture partisane ni objectif politique comme certains hauts responsables l'ont laissé entendre. Les principaux sponsors de ce document ont pour nom l'expression libérée, l'intégrité et la rigueur intellectuelles, une tonalité plutôt grave pour asseoir le sérieux, la respectabilité et la solennité recherchées. C'est à partir de ces principes que le Cnes a élaboré, au nom de l'Algérie, le premier rapport sur le développement humain, premier exercice du genre d'une telle portée. Auparavant, ce document, véritable miroir à prismes déformants de l'Algérie, était élaboré dans les arcanes de la Banque mondiale à partir d'informations, souvent contradictoires recueillies çà et là...et l'Algérie ne pouvait que se taire! Aujourd'hui, et ce n'est pas un secret de polichinelle, que d'affirmer que le Cnes végète et est devenu, comme tant d'autres, une institution budgétivore où le rendement intellectuel productif a laissé place à une inertie inquiétante. Les membres conseillers du Cnes émargent naturellement chaque mois et en bonne conscience auprès du Trésor Public et cette forme de gaspillage est contraire aux règles de bonne gouvernance.Comment les organisations socioprofessionnelles représentées en force au sein du Cnes peuvent-elles accepter une telle situation, d'autant que certains de leurs membres siègent également à l'APN! Le Cnes, espace de prédilection de dialogue et de concertation, se doit d'avoir le sursaut salutaire lui permettant de sortir de sa torpeur. Sa mission «d'affranchir» les pouvoirs publics demeure plus que jamais nécessaire pour l'émergence d'une économie nationale forte, débarrassée de ses atermoiements. Le développement économique et social du pays n'est pas seulement l'affaire d'un gouvernement, mais de Tous, en particulier celle d'une société civile organisée et élargie à tous les secteurs. La réforme du système financier et bancaire et la mise en oeuvre des privatisations sont des exemples illustres d'échecs patents de stratégies mises en oeuvre en solo! (*) Retraité