L'accord de paix signé à Alger est-il remis en cause? Le discours du président malien, Amadou Toumani Touré, le laisse présager. Autre situation, autre discours et autre stratégie. Lors d'un déplacement dans la région de Kayes, dimanche, le chef de l'Etat a haussé le ton. «Trop, c'est trop! Nous ne pouvons pas continuer à subir, nous ne pouvons pas continuer à compter nos morts (...) Nous ne pouvons pas continuer à chercher la paix», a-t-il déclaré à l'égard des rebelles touareg. La sortie du président intervient au lendemain de l'attaque de Nampala, sise à 500 kilomètres au nord-est de Bamako. Attribuée par des sources officielles au groupe du chef rebelle Ibrahim Ag Bahanga, cette attaque a eu lieu samedi dernier. Elle a fait, selon le ministre de la Défense, «9 morts et 12 blessés dans les rangs des forces armées» ainsi que «11 morts parmi les assaillants». Une source proche du chef rebelle Ibrahim Ag Bahanga avait auparavant affirmé qu'«au moins 20 militaires» maliens avaient été tués. Le durcissement de la position du président marque un tournant dans la crise qui continue d'embraser le nord-est du Mali. Du moins, s'est ce que prévoient les observateurs. Au sujet de l'Accord d'Alger signé, en 2006, par le gouvernement avec tous les groupes rebelles touareg du Mali, le président a réaffirmé l'engagement du gouvernement à l'appliquer. Le chef de l'Etat a tenu a rappeler que «sur les 18 tâches que nous avons retenues dans ce document (Accord d'Alger), 15 ont été exécutées». Cependant, le chef de l'Etat n'a pas manqué de s'interroger: «Mais comment exécuter les trois (tâches) restantes, avec cette insécurité savamment maintenue, entretenue?.» Revenant sur l'attaque de Nampala, attribuée par des sources officielles sur place, au groupe du chef rebelle Ibrahim Ag Bahanga, le président a interrogé: «On se met à tirer sur tout ce qui bouge. On tire sur les militaires, on tire sur les civils, qu'est-ce que ça veut dire?» L'interrogation renvoie aux enjeux stratégiques qui expliqueraient l'attaque de Nampala. Selon lui «Nampala n'a pas de portée en tant qu'objectif militaire.(...) Cependant, l'autre intérêt stratégique (pour les rebelles) est que Nampala n'est pas loin des différentes pistes et routes qui acheminent la drogue sur la bande sahélo-saharienne.» S'attaquant, en des propos à peine voilés, aux revendications des rebelles touareg, le président n'a pas hésité à qualifier ces derniers de «bande de marginaux isolée au sein de la communauté touaregue». Rejetant la thèse de la lute identitaire, le président a déclaré: «Lorsque j'ai compté les morts du côté de l'armée (régulière) malienne, il y a au moins trois ou quatre soldats touareg. Ce qui veut dire qu'ils (les rebelles) ne regardent rien.» Une autre revendication des rebelles touareg, pas des moindres, a, aussi, été la cible des attaques du chef de l'Etat, il s'agit du développement de la région de Kidal. A ce sujet, M.Touré a affirmé: «Aujourd'hui, on n'a même plus besoin d'argent pour développer la région de Kidal. L'argent est là. Près de 12 milliards de francs CFA (plus de 18 millions d'euros). Mais qu'est-ce que nous attendons? Nous attendons une petite sécurité dans la région.» Au vu de l'évolution de la crise au nord-est du Mali, l'application de l'Accord d'Alger semble avoir marqué le pas. Ramener les antagonistes à la table des négociations ne sera pas une tâche de tout repos.