Ce responsable politique ne met pas de gants pour s'entourer d'un minimum de réserve dû à son rang. Encore une fois, le Premier ministre marocain, Abbas El Fassi, s'attaque d'une façon brutale à l'Algérie. Invité par la chaîne de télévision 2M, mercredi dernier, il laissa échapper une complainte: «Cette provocation (il s'agit de la marche effectuée par un millier de Sahraouis sur la ville de Mahbès sous contrôle onusien), dit-il, participe, de toute manière, des tentatives connues pour contester et combattre notre intégrité territoriale par le gouvernement algérien, devenu, selon Abbas El Fassi, partie prenante» au conflit qui oppose depuis plus d'une trentaine d'années le Front Polisario au Maroc. Il a affirmé sous le sceau de la confidentialité que les 1400 personnes qui ont effectué une marche vers Mahbès, «en provenance de l'Algérie» ont emprunté la voie longeant quelque cinquante kilomètres, (qui) «est la seule qui nous relie directement à notre voisin de l'Est», comprenez l'Algérie. Et, dans la foulée, il évoquera la fermeture des frontières entre le Maroc et l'Algérie. Le gouvernement algérien «persiste, selon lui, à garder fermée celle qui sépare le Maroc et l'Algérie et que celle-ci puisse se réclamer encore de la construction de l'idéal maghrébin». Son ministre des Affaires étrangères, Taïeb Fassi, a été plus catégorique que son Premier ministre et le déclare ouvertement: «Cette opération a été menée directement à partir du territoire algérien.» Puis il ajoutera que son pays «ne se laissera pas intimider par de tels agissements et défendra par tous les moyens qu'il jugera appropriés son intégrité territoriale». Un discours va-t-en guerre qui a le mérite d'être clair. Déjà, la semaine passée, et au moment où le roi Mohammed VI envoyait un message de félicitations à Bouteflika pour sa réélection à la présidence de la République, un site Internet marocain a indiqué détenir des «révélations exclusives» sur une prétendue volonté algérienne de fabriquer une bombe nucléaire. Pour étayer ses propos, le journal se basant sur des documents classés «secret confidentiel» par un service américain, se lance dans des élucubrations pour le moins fantaisistes, voire dangereuses pour la paix au Maghreb. Le média marocain avance sans l'ombre d'un doute et sans vérifier les informations que les «présomptions» ont été assez fortes pour que l'Oncle Sam «fasse pression sur la Suisse, via son ambassade, pour l'empêcher de vendre une presse isostatique à Alger, estimant que le régime algérien n'offre pas assez de garanties quant à l'innocuité de son programme nucléaire». Deux réacteurs sont implantés à Draria et à Aïn Oussera, d'une capacité de 1 MW pour le premier et de 15 MW pour le second. Ils sont sous garantie de l'Aiea, qui les inspecte régulièrement. Il faut rappeler que c'est l'Aiea, dont l'Algérie est membre depuis 1963, qui a financé dans les années 1980 l'acquisition d'équipements et la formation de plusieurs centaines de chercheurs et techniciens dans le domaine du nucléaire. L'Algérie, par la voix de son ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, avait déjà répondu aux propos du souverain marocain Mohammed VI tenus en 2008. Le ministre algérien avait affirmé que «personne ne peut accuser l'Algérie de manoeuvres ou de tentatives de balkanisation du Maghreb», avant d'ajouter que «l'histoire démontre que de telles accusations sont infondées». «S'agit-il d'édifier un Maghreb au service de ses peuples, ou s'agit-il alors d'autre chose aux objectifs obscurs.» Les termes de l'échange entre les deux pays se résument en fait à un trabendo et au trafic de stupéfiants. Seul le projet Medgaz, le gazoduc méditerranéen qui traverse le territoire marocain pour atterrir en Europe via l'Espagne, participe pour l'instant à l'économie marocaine puisqu'une dîme est prélevée au passage du gaz algérien. C'est dire que cet intérêt soudain pour la réouverture des frontières n'obéit pas uniquement à ce sacro-saint principe de stabilité et d'unité du Maghreb comme tentent de le faire croire les officiels marocains.