Le général a démenti le «glissement» opéré de l'état d'urgence à l'état de siège. Bouteflika l'a suggéré, Belkheir l'a souhaité, Benflis l'a confirmé et le chef de l'état-major l'a déclaré : le maintien de l'état d'urgence n'est plus une nécessité. Alors une question s'impose : qui tient à le maintenir ? Quel est le véritable enjeu qui se cache derrière ce décret présidentiel du 9 février 1992? Dans une contribution publiée par un journal algérien le 12 février 2002, Ahmed Merah, ancien bouyaliste, décédé aujourd'hui, et qui avait été assistant technique de la commission Issad, a noté que «la commission, se limitant à ses prérogatives, relève l'ambiguïté des textes et l'enchevêtrement des compétences issues des textes relatifs à l'état d'urgence. Elle ne demande pas sa levée, mais constate qu'il s'est transformé en état de siège par l'arrêté non publié du 25 juillet 1993». Le président de la commission d'enquête sur les événements de Kabylie avait confié au quotidien français Le Monde du 8 janvier 2002 que «plusieurs petits textes (un décret présidentiel et deux arrêtés ministériels) ont permis, dans les années 1992-1993, un enchevêtrement qui nous a conduits, parfois sans le savoir, à la situation actuelle. Je pense, pour ma part, que ces textes ont été rédigés par un ou deux juristes qui n'ont pas mesuré, sur le moment, les conséquences de ce qu'ils proposaient». Le général de corps d'armée a démenti avant-hier, lors d'une rencontre avec la presse à l'Académie militaire de Cherchell, le «glissement» opéré de l'état d'urgence à l'état de siège. Lamari a même rebondi sur une question reltive à la situation en Kabylie en martelant: «En Kabylie, l'armée n'a rien à voir, n'en déplaise à un certain parti politique qui croit qu'on gère l'état d'urgence.» Selon l'article 9 du décret de l'état d'urgence, «le ministre de l'Intérieur peut, par délégation, transférer à l'autorité militaire la direction des opérations de rétablissement de l'ordre au niveau local ou au niveau de certaines circonscriptions territoriales». Le second rapport de la commission Issad relève ce qui suit: «L'arrêté interministériel (Défense nationale / Intérieur), non publié, du 25 juillet 1993, donne nettement délégation aux commandants des régions militaires. Ceux-ci semblent tenir désormais leurs pouvoirs, non d'une délégation du ministre de l'Intérieur comme cela est prévu par l'article 9 du décret du 9 février 1992, mais de l'article 1 de l'arrêté du 25 juillet. Cet arrêté est contraire au décret.» La commission d'enquête a avancé l'«enchevêtrement des compétences» entre les différents acteurs des services de sécurité et les autorités civiles pour expliquer, en partie, les conclusions mentionnées dans son rapport préliminaire: «Les gendarmes sont intervenus sans réquisition des autorités civiles comme la loi le stipule. Les ordres de la gendarmerie de ne pas utiliser les armes n'ont pas été exécutés, ce qui donne à penser que où le commandement de la gendarmerie a perdu le contrôle de ses troupes où la gendarmerie a été parasitée par des forces externes à son propre corps, avec forcément des complicités internes, qui donnent des ordres contraires, et assez puissantes pour mettre en mouvement la gendarmerie avec une telle rudesse pendant plus de deux mois et sur une étendue aussi vaste». Dans son entretien au Monde, le professeur Issad a lancé: «Il faudrait avant tout clarifier la situation entre les institutions et savoir qui est responsable et de quoi. Cessons de poser le problème de la crise algérienne en termes de rivalités, même si elles existent, et ne donnons pas d'arguments à ceux qui ne voient chez nous que des clans acharnés à se neutraliser.» La complexité des textes de loi et les réalités du terrain plaident pour la levée de l'état d'urgence «qui n'est appliqué que formellement», comme l'ont souligné Benflis et Lamari. Son maintien ne pourrait tranquilliser nos partenaires étrangers, autant économiques que militaires. Alors à quand?