D'une voix suave, appuyée par une orchestration moderne où les percussions se taillent une grande part de ses compositions musicales, le troubadour de Gao, Baba Salah, prêche la paix dans un style puisant ses racines du takamba (genre musical originaire du nord du Mali). Modeste et sobre, Baba Salah s'est créé sa propre voie dans l'univers musical bamakois marqué par une grande concurrence et une variété de styles infinie. Voix à la fois singulière et riche en sonorités où le rythme l'emporte sur la complainte propre aux chameliers du nord de ce pays. Considéré comme un kaléidoscope de la forte diversité culturelle des contrées de l'Afrique de l'Ouest, ce chanteur originaire de Gao, qui a accepté de s'entretenir avec l'APS, se dit proche aussi des sonorités arabes et berbères que partagent le Mali avec des régions du sud de l'Algérie. Pourtant, Baba Salah n'est pas né dans une famille de musiciens, à l'instar d'autres célébrités de la chanson malienne, mais a pu imposer sa voix en 9 ans de dur labeur, comme il lui plaît de dire. Il partage ainsi cette qualité avec le roi de la chanson mandingue, Salif Keita, celle d'emprunter la voie de la musique que sa famille de noble ascendance considère comme une hérésie, voire une déviation. Baba Salah est perfectionniste au point où il redouble les répétitions avec son groupe avant de lancer un tube ou un album. Il fit des études de musique à l'Institut national des arts de Bamako, après avoir gratté dans son enfance les fils de la guitare solo et fait son initiation à la batterie. Après avoir pendant longtemps fait partie de l'orchestre de la diva du chant malien, la charismatique Omou Singaré, il décide de prendre son destin en main en créant son propre groupe où les instruments modernes côtoient les instruments traditionnels dans une symbiose et une harmonie telle qu'il gagna vite une notoriété dans l'ensemble des pays de l'Afrique de l'Ouest. Baba Salah illustre une autre manière de chanter, un autre genre que les Maliens découvrent allégrement. En témoignent les mégaconcerts qu'il anime à Bamako. Des chansons inspirées des problèmes de la société «Je ne fais pas de louanges aux rois ou à des personnes connues, comme c'est le cas dans la tradition griot», souligne-t-il, expliquant que «les thèmes qu'il aborde dans ses chansons sont inspirés des problèmes de la société». En témoigne son 2e album intitulé Bourré inspiré, dit-il, de comportements sociaux des Maliens. Sa ville natale Gao est présente dans son oeuvre, à travers son premier album qui porte son nom et où il dit avoir chanté la paix au nord du Mali, alors en butte à la rébellion touarègue. Ce chanteur, qui tire sa source des revenus de sa musique, reste attaché à ses origines, malgré son penchant pour la musique moderne, estimant que le terroir du nord du Mali, appelé aussi le Takamba, sied à une variété infinie de genres musicaux. «Nous pouvons jouer du reggae, de la zouk musique et du jazz avec le Takamba», a-t-il dit avec l'assurance d'un musicien qui a bénéficié d'une formation académique dans ce domaine. «Le luth est l'instrument maître dans le takamba», explique-t-il, en ajoutant que dans la culture Sorhaï du nord du Mali, qui a d'ailleurs encouragé l'émergence du maître du Jazz malien, Ali Farka Touré, les percussions sont présentes avec force, à l'instar du tam-tam et du djembé. «Au départ, j'allais jusqu'à introduire trois tam-tams dans mon orchestre, avant d'opter franchement pour la batterie», a-t-il dit pour illustrer son penchant pour les percussions dans la culture musicale sorhaï. Tout en refusant d'être qualifié de «chanteur engagé», Baba Salah estime que «le rôle du musicien est d'aider à instaurer la paix à travers des paroles modérées qui prêchent l'amour et l'amitié entre les peuples».