Ce rendez-vous est inutile selon les experts, sachant que toutes les mesures importantes sont prises par le gouvernement sans concertation avec les partenaires sociaux. Entre le gouvernement et ses partenaires sociaux, le courant ne passe plus. Si l'Union générale des travailleurs algériens a applaudi les dernières mesures prises par l'Exécutif dans le cadre de la loi de finances 2009, le patronat, lui, a émis des réserves et reproche à M.Ahmed Ouyahia son exclusion dans le processus de prise de décision. Le choc intervient à la veille d'un rendez-vous important qui est la tripartite, d'où l'extrême sensibilité de la situation. La Confédération générale des entreprises algériennes donne le ton. Son président M.Habib Yousfi affirme qu'il est impératif de modifier l'ordre du jour de la tripartite à la faveur des dernières mesures prises par le gouvernement: «Nous avons lu dans la presse qu'un cadre de l'Ugta pense que la prochaine tripartite tournera autour d'un sujet exclusif qui est l'augmentation du Snmg. Cette organisation s'est positionnée déjà en fermant la porte à toute révision de l'ordre du jour de cette réunion, ce qui n'est pas normal» déclare à L'Expression M.Yousfi. Pour notre interlocuteur, l'article 69 de la LFC - exigeant que le paiement des importateurs s'effectue obligatoirement au moyen du seul crédit documentaire - met en danger l'avenir de l'entreprise et dans le même sillage menace des milliers de postes d'emploi. Et à Yousfi d'avertir: «Une entreprise qui n'a pas les moyens de préserver l'emploi ne peut pas s'engager à revoir la grille des salaires.» Le patronat va-t-il boycotter ce rendez-vous? Yousfi estime qu'il est nécessaire vu l'actualité de réétudier les dossiers de la tripartite et d'intégrer le dossier de l'avenir des entreprises et la promotion de l'emploi par le secteur privé qui semble sérieusement affecté. L'autre sujet proposé par la Cgea concerne la stratégie à adopter pour booster les PME: «Le gouvernement évoque souvent les microcrédits. Or l'économie du pays doit se baser sur le soutien des PME et sur ce plan, l'on ignore toujours la stratégie du gouvernement», explique Yousfi. La Cgea ignore la date de la tripartite et réfute les contacts avec le gouvernement. Du coté de l'Ugta, c'est le calme plat. Les responsables que nous avons essayé de joindre hier ont refusé de se prononcer sur les préoccupations de la Cgea. Notons que cette organisation qui s'est alliée à la démarche de l'Exécutif, a mis en place un groupe de travail pour débattre de la question du «crédit à la consommation» M.Abdelmadjid Sidi Saïd a annoncé dans les colonnes de la presse que ce groupe «étudiera les possibilités et les formules susceptibles de faire bénéficier les citoyens du crédit à la consommation». Ces propositions seront, ajoute le SG de l'Ugta, proposées «probablement à l'occasion de la tripartite». Pour les observateurs, il est quasiment impossible de réunir autour de la même table des partenaires qui ne partagent pas les mêmes idéaux ni les mêmes visions de la sphère économique. Un avis partagé par l'expert Abdelhak Lamiri. Pour lui, dans une vraie économie de marché, le rôle d'une tripartite est important. «Elle permet d'instaurer une meilleure visibilité des politiques entreprises. Elle sert aussi à élargir le débat autour des questions importantes.» Ce n'est pas le cas en Algérie où toutes les décisions concernant la sphère économique (suppression de crédit de consommation) et même celle touchant d'une manière directe le pouvoir d'achat des Algériens ont été prises. A partir de là, «la tripartite perd son utilité» pour les experts. Une meilleure stratégie de concertation et de communication durant le processus de préparation et de lancement de ce nouveau cadre réglementaire nous aurait évité des tergiversations et des débats inutiles et contre-productifs. «La concertation entre l'ensemble des parties prenantes sera déterminante dans la réussite du pari de la croissance», précise encore Lamiri.