La politique de la nouvelle administration des Etats-Unis vis-à-vis de la question sahraouie porte l'empreinte du vieux lion. «J'ai le coeur brisé!» Ce sont les premières paroles spontanément prononcées par Barack Obama lorsqu'il a appris la disparition de Ted Kennedy le 25 août dernier. Il n'est plus là. Il ne rugira plus mais sa voix continuera à résonner encore longtemps au sein du Congrès américain. Il est l'ardent défenseur des démunis et des opprimés. Le peuple sahraoui avait trouvé en sa personne l'homme politique emblématique et précieux qui devait contribuer à mettre fin à la colonisation du dernier territoire sous occupation de la planète: le Sahara occidental. «Alors que vous entamez votre mandat, nous vous demandons instamment ainsi qu'à votre administration d'agir pour soutenir le peuple du Sahara occidental dans son droit à l'autodétermination à travers l'organisation d'un référendum libre, juste et transparent», a demandé Edward M. Kennedy, au mois d'avril, dans une lettre adressée au président des Etats-Unis et cosignée par de nombreux sénateurs dont Russel D. Patrick J. Leahy, James M.Inhofe et Feingold. Barack Obama ne pouvait rester ni sourd ni muet face à ce puissant appel pour l'application et le strict respect de la légalité internationale de la part de celui qui a jeté toutes ses forces dans la bataille des primaires, qu'il a remportée haut la main, face à sa redoutable concurrente, aujourd'hui sa secrétaire d'Etat, Hillary Clinton. Il est question du rayonnement de la politique dans le monde, bien ternie ces dernières années par leur intervention musclée en Irak, le bourbier afghan et leurs prises de position au Moyen-Orient en faveur de l'Etat hébreu. Autour de ces conflits majeurs, la question sahraouie ne pouvait demeurer marginalisée. Ted Kennedy s'est employé à la raviver et à lui redonner toute sa dimension quatre mois avant qu'il ne cède devant sa maladie, une tumeur au cerveau diagnostiquée au mois de mai et qui a eu raison de lui, le 25 août 2009. Un testament laissé en héritage au quatrième président des Etats-Unis, premier homme politique afro-américain à accéder à la magistrature suprême dans un pays qui ne cessera sans doute pas d'étonner le monde dit libre. Les droits de l'homme, la liberté, ce fut un combat qui a jalonné et rythmé sa carrière politique depuis 1962 lorsqu'il a été élu sénateur au siège laissé vacant par son frère John, élu président des Etats-Unis en novembre 1960. Ce destin exceptionnel qu'il s'est façonné dans le sillage de ses illustres frères ainés, il le décrit ainsi dans ses mémoires, True Compass (Boussole exacte) à paraître le 14 septembre: «Bien sûr, la compétition est la voie du succès en Amérique... Lorsque je pense à mes trois frères et à ce qu'ils ont accompli avant même que je ne sorte de l'enfance, il me semble parfois que ma vie entière n'a été qu'une tentative constante de rattraper mon retard.» Un retard qu'accuse aussi depuis plus de trente ans la cause sahraouie après que les Espagnols eurent cédé, de facto, les territoires du Sahara occidental au Royaume marocain. Qui mieux que son peuple en éprouve la plus grande des injustices. Ted Kennedy le sait. Il le dit avec le soutien des sénateurs démocrates. «Le peuple sahraoui souffre depuis que les forces militaires marocaines ont pris le contrôle de la majorité de ce territoire. C'est dans l'intérêt de notre pays de s'assurer que cette question soit traitée avec équité, conformément aux principes internationalement reconnus et de manière à permettre au peuple sahraoui de choisir son avenir politique et économique», ont-ils écrit au président des Etats-Unis. Depuis, le fil des négociations entre le Front Polisario et le Maroc a été renoué sous l'égide des Nations unies et de Christopher Ross, représentant personnel de Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU. Barack Obama, dans une lettre adressée au début du mois de juillet au souverain marocain, soit près de deux mois avant le décès de Ted Kennedy, donne l'impression de vouloir répondre à un des derniers souhaits le plus cher du benjamin de la fratrie des Kennedy. «Mon gouvernement travaillera avec le vôtre et d'autres parties dans la région afin de parvenir à une solution qui réponde aux besoins des populations, en termes de gouvernance transparente, de confiance en l'Etat de droit d'une administration de justice équitable», a-t-il indiqué à Mohammed VI. Il est pratiquement certain que le président des Etats-Unis pèsera de tout son poids pour que puisse se tenir un référendum, conformément aux résolutions adoptées par le Conseil de sécurité, afin de permettre au peuple sahraoui de décider librement de son destin. Cela sonne comme une promesse posthume que le vieux lion du Congrès américain a appelé de toute son âme.