«La réappropriation des valeurs, des traditions, et des coutumes passe par l'écriture, l'éducation et l'enseignement.» C'était avant-hier, vendredi, à la petite salle du théâtre régional Malek-Bouguermouh de Béjaïa que le Café littéraire de Béjaïa a tenu sa deuxième soirée ramadhanesque de la rentrée sociale en invitant l'écrivain d'expression amazighe, Djamel Arezki. Inspecteur de la langue française et enseignant de la langue amazighe au centre universitaire de Bouira, il publia en mai 2009 chez les éditions Tira, (l'écriture en tamazight), son premier livre intitulé, Akal D'Wawel (La Terre et la parole), un recueil de nouvelles inspirées du terroir et qui sont parfois à visée didactique. Loin des ambiances festives des galas et autres concerts de chant, la soirée littéraire a débuté avec la douce voix de Sihem Benniche, une jeune lycéenne de Béjaïa, invitée par le Café littéraire pour faire découvrir sa passion et sa vocation de poétesse en lisant ses poèmes dont son premier choix intitulé Parlons de ma couleur, pour laisser place aux débats avec l'invité de la soirée. Pour entamer les débats, Djamel Arezki a parlé de son expérience littéraire amazighe en abordant d'abord les origines de l'écriture amazighe, ses évolutions et ses différences, «J'ai vécu et grandi en sentant une sorte de violence en moi révélée par l'exclusion dont on était victime en se rendant compte des deux mondes différents entre la langue enseignée à l'école et celle utilisée à la maison, la langue maternelle. Le sentiment d'être exclu a forgé en moi cette vocation d'écrivain en langue amazighe», explique l'écrivain, d'emblée, en répondant à la première question sur le choix d'écrire en tamazight en étant inspecteur de la langue française sans omettre de paraphraser Jean Amrouche qui disait: «Même si j'écris, je réfléchis en français, je ne pleure qu'en Kabyle». En présence des acteurs de la littérature amazighe, Kamel Bouamara, Brahim Tazaghart, Nacer Bellil, Mohand Aït Ighil, entre autres, les débats ont été riches et constructifs portant sur l'importance de l'écriture dans ses différents genres, poésie, nouvelle et roman, qui reste à leur avis, le seul moyen de s'approprier les valeurs sociales des Amazighs en général, et des Kabyles en particulier. «La transmission orale étant en voie de disparition par la rupture du lien entre les grands-parents, les parents et les enfants, seule l'écriture peut sauvegarder ces valeurs, car il n'existe pas de civilisation sans écriture. La réappropriation des valeurs, des traditions, et des coutumes passe par l'écriture, l'éducation et l'enseignement. L'école doit jouer un très grand rôle dans ce domaine», s'est exprimée la majorité des intervenants sur le rôle que doivent jouer les acteurs de la littérature de la langue et de la culture berbères, tout en reconnaissant, par ailleurs, l'avancée de la langue amazighe depuis son institutionnalisation. «Même si le terrain de la littérature amazighe reste encore vierge, avec une langue réprimée plus de 2000 ans. J'estime que nous avons fait un pas géant depuis son institutionnalisation en 1995. Quantitativement, nous avançons remarquablement, quant à la qualité, c'est en forgeant qu'on devient forgeron», conclut dans le même ordre d'idées l'invité du Café littéraire.. Par ailleurs, dans la foulée des débats, un intervenant a mis l'accent sur la nécessité de passer à l'étape de l'image à l'ère de la civilisation visuelle. «Notre littérature dont le moyen de transmission a toujours été l'oralité, a raté un moment de l'histoire de la civilisation écrite, aujourd'hui, c'est l'ère de l'image où la parole perd son avantage, il est plus qu'impératif d'investir ce moyen de communication pour l'épanouissement de la langue et de la culture amazighes.»