Les quelque 70 documents «confidentiel défense» déclassifiés ne comportent aucune note décisive sur une éventuelle «bavure» de l'armée algérienne. La piste «d'une bavure» de l'armée algérienne dans la mort des moines de Tibhirine n'est fondée sur aucun élément décisif. Les quelque 70 documents «confidentiel défense» déclassifiés par le juge Marc Trevidic, chargé de ce dossier, ne comportent aucune note décisive sur une éventuelle «bavure» de l'armée algérienne. Les documents déclassifiés sont ceux rédigés par les différents services français. Il s'agit de 14 notes de la DST, de 47 autres de la Direction générale de la surveillance extérieure (Dgse) et de 7 de la Direction du renseignement militaire (DRM). La justice française avait décidé la «levée du secret-défense» sur les documents détenus par les ministères français de la Défense, de l'Intérieur et des Affaires étrangères, à la suite du témoignage de l'ancien attaché militaire à l'ambassade de France en Algérie, François Buchwalter. Ce dernier avait témoigné, l'été dernier, à la justice de son pays que les sept moines sont morts à la suite d'une intervention de l'armée algérienne qui aurait mal tourné. Ce même militaire dit avoir informé ses supérieurs en France de cette thèse. Or, aucune trace du rapport que le général Buchwalter dit avoir rédigé n'a été trouvée parmi les documents consultés. Autrement dit, les documents obtenus pour l'instant par le juge Trevidic ne font état d'aucune trace des informations fournies par François Buchwalter. Le juge a déclassifié même des documents de la Défense française, dont certains ont été signés par Buchwalter, sans trouver trace de ce rapport dont parle ce général. La presse française a estimé que les documents de la Dgse sont très factuels, sans commentaire et ils ne comportent pas des témoignages rédigés d'une manière très explicite. Ces notes viennent conforter les témoignages de Charles Millon, ministre français de la Défense à l'époque des faits, qui avait désavoué le général. «Je n'ai jamais été informé de l'existence d'une note de l'attaché militaire de l'ambassade de France à Alger concernant le sort des moines», a-t-il révélé au lendemain du rebondissement de cette affaire. «...On ne m'a jamais parlé d'une ´´bavure´´ de l'armée algérienne et je ne comprends pas bien pourquoi cette affaire ressort maintenant», poursuit M.Millon. Le ministre des Affaires étrangères à l'époque des faits, Hervé de Charrette, a rejeté, à son tour, ces déclarations. Ayant dirigé la cellule de crise installée au Quai d'Orsay sur ce dossier, le diplomate français corrige l'ex-général français François Buchwalter. Lors d'une intervention dans une chaîne de télévision française, M.De Charette a considéré le témoignage de l'ex-général comme «une opinion parmi tant d'autres». Et d'annoncer des démentis en cascade. «En tant que ministre des Affaires étrangères, je n'ai jamais eu connaissance de cette thèse développée aujourd'hui par M.Buchwalter. Pour moi, ce n'est qu'une opinion, celle d'un fonctionnaire parmi tant d'autres», a-t-il déclaré. Et d'ajouter: «Je suis personnellement porté à m'en tenir à la version la plus pratique, celle qui s'appuie sur des faits, c'est-à-dire le GIA a revendiqué ces événements, il a demandé en contrepartie des initiatives de la France, c'est-à-dire la libération d'Algériens détenus, ce que nous n'avons pas fait, il a menacé de les tuer et quand ils ont été découverts, il a déclaré que c'était lui-même qui l'avait fait. Donc c'est ça les faits, tout le reste ce sont des commentaires.» De son côté, Alain Juppé, Premier ministre français au moment de la mort des moines, qui a délégué des diplomates français à Alger pour négocier avec les éléments du GIA, s'est étonné sur le pourquoi de cacher la vérité. Il a indiqué qu'il «ne voit pas ce qu'il y a à cacher sur ce drame». Et d'ajouter: «Dès que nous avons appris l'enlèvement des moines de Tibhirine par le GIA, nous avons lancé toutes les procédures et tous les moyens pour essayer d'obtenir leur libération.» «Malheureusement, ces négociations ont échoué. Depuis lors, des rumeurs circulent sur l'origine de ce massacre.» La seule et unique version officielle des faits est que les moines ont été assassinés par le groupe du GIA. C'est la version officielle que même les responsables français de l'époque avaient admise. L'enlèvement des moines de Tibhirine a été revendiqué, le 26 avril 1996 à l'époque, par le chef du Groupe islamique armé (GIA), «Abou Abderrahmane Amine», alias Djamel Zitouni. En 2004, une commission rogatoire internationale n'a retenu et validé que la thèse selon laquelle les moines ont été liquidés par les groupes islamistes. Mieux encore, la République française a envoyé des émissaires, mandatés à l'époque par Alain Juppé, Premier ministre, et Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur, à son ambassade à Alger pour mener des «négociations» avec les éléments du GIA afin de procéder à la libération des moines. Le GIA avait proposé d'échanger les moines contre ses militants islamistes détenus. Quelques jours plus tard, cette organisation terroriste annonce avoir décapité les captifs - assassinés le 21 mai - les terroristes accusant le gouvernement français d'avoir «trahi» les négociations. Annonce faite le 23 mai par le GIA, soit deux jours après le crime. En ce qui concerne «la levée du secret-défense», le juge parisien continue à demander la déclassification du reste des documents de ces mêmes services.