Des barrières de toutes sortes se dressent face à ce qui est présenté comme «invasion étrangère». C'est un sujet brûlant et d'actualité qui a été traité dans le n°26 de la revue Naqd qui vient de paraître. De nombreux spécialistes confirmés tentent, à travers des analyses percutantes, de décortiquer ce phénomène qui devient de plus en plus source de préoccupation, aussi bien des gouvernements que des sociologues et même des psychologues. Daho Djerbal, l'un des responsables de cette publication, l'illustre parfaitement en soulignant que depuis près d'une double décennie, la question des mouvements migratoires est mise de manière quasi permanente sur l'agenda médiatique et politique et occupe dans beaucoup de régions du monde, et particulièrement dans l'espace euroméditerranéen les devants d'une actualité qui n'en retient que les manifestations spectaculaires et souvent dramatiques. «Encore une fois, les opinions mal informées ou orientées réagissent quasi instinctivement, dans un réflexe de repli et d'enfermement aux menaces suggérées par les groupes conservateurs et relayées par certains médias. Des barrières de toutes sortes se dressent face à ce qui est présenté comme "invasion étrangère", "déferlement de populations allogènes", et face aux supposés périls auxquels seraient exposés le corps social et les grands équilibres économiques internes. Aucune société n'est épargnée par ces phénomènes récurrents, mais certaines plus que d'autres sont mises en avant, en souffrent, sont stigmatisées et, plus largement, la plupart se sentent affectées parce qu'elles considèrent comme des "atteintes", multiples à leur "corps" réel où imaginé», précisent Aïssa Kedri et Daho Djerbal, afin d'expliquer pourquoi avoir opté pour ce thème. Pour ces deux universitaires, les nouvelles migrations ont profondément affecté les sociétés, aussi bien celles du Centre que celles du Sud. Elles ont bouleversé les équilibres socioéconomiques et culturels, cassé les compromis sociaux et politiques qui prévalaient jusque-là; elles ont mis à nu l'incapacité des Etats sociaux nationaux à formuler des réponses et à promouvoir les adaptations exigées par les nouvelles configurations socioéconomiques à l'échelle locale, nationale et internationale. Ce numéro de Naqd consacré à ces nouvelles migrations «souhaite focaliser sur ce qu'elles définissent comme nouvelles logiques, pratique et actions, régulation et dérégulation, représentations et nouvelles sociabilités versus stigmatisations/exclusions. Mais la revue veut aussi insister sur les effets réciproques de ces politiques sur les sociétés, les Etats et les groupes». Ce numéro de la revue permet aussi de répondre à plusieurs questions dont celle de caractériser la nature de cette nouvelle forme d'émigration /immigration, de ce qu'elle définit de nouveau ou reproduit d'ancien par rapport à la vieille génération. Est-elle toujours fondamentalement de caractère économique? Concerne-t-elle les mêmes groupes, les mêmes catégories sociales, les mêmes régions? Ou bien s'est-elle sociologiquement transformée et, dans ce cas, dans quel sens? Quel poids les déterminants économiques ont-ils encore? Quelle est la place des déterminants culturels, sociaux, politiques? Qu'est-ce qu'elle définit comme rapports entre groupes, sociétés et Etats, entre Etats eux- mêmes? Quelle place lui est assignée et quelles fonctions remplit-elle dans ces rapports? Autant de questions dont les réponses peuvent être trouvées dans les différentes contributions du nouveau numéro de Naqd. Parmi les articles que le lecteur pourra lire dans cette nouvelle édition, on pourrait citer arbitrairement: «Les migrants illégaux: victimes et acteurs», «Les étrangers en Algérie, quel statut juridique?», «Les représentations de l'immigration maghrébine dans la presse française», «Le migrant et son double attachement comme expression de la modernité», «Le caractère unitaire du racisme à l'épreuve des nouvelles migrations», «Interrogations sur un modèle méditerranéen», «L'Italie de la peur. Les premiers effets de la politique du président Berlusconi sur la sociabilité des migrants»...