Ghaleb Bader, archevêque d'Alger, est très désappointé par le cours pris par le débat sur les religions en Algérie. Le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs Bouabdallah Ghlamallah, a voulu un débat serein sur les religions. En organisant hier, un colloque à Alger, auquel étaient invités des professeurs et des religieux d'Asie, d'Europe et d'Amérique, le ministre voulait apporter la preuve que la diversité religieuse a bel et bien sa place en Algérie. Ghaleb Bader, archevêque d'Alger, reconnaît que certains points sont positifs comme la reconnaissance de l'existence d'autres religions que l'Islam. Mais sa satisfaction s'arrête là. Il demande purement et simplement l'abrogation de l'ordonnance de 2006 réglementant l'exercice du culte. Ce n'est pas l'avis du ministre, qui estime que ce texte ne fait que réguler certains aspects pratiques comme il le fait pour la mosquée. Ce qui n'empêche pas le représentant de la communauté chrétienne d'énumérer ses griefs. Il pense qu'il n'est pas opportun de restreindre l'exercice du culte dans des lieux précis. Selon lui, des chrétiens sont éparpillés à travers de nombreux points du pays où il n'y pas nécessairement d'églises. Il demande alors que des salles soient affectées à l'exercice du culte, une fois par semaine. Même si les textes réglementaires ne sont pas abrogés, ils pourraient au moins être assouplis pour prendre en charge cette doléance, suggère-t-il.Il pense ensuite que les critiques pour prosélytisme n'ont pas lieu d'être. Les musulmans accueillent des chrétiens convertis à l'Islam, pourquoi les chrétiens n'en feraient-ils pas de même? interroge-t-il. Tout le monde lui oppose une fin de non-recevoir. Le professeur Mustapha Chérif, présent à ce colloque en sa qualité d'islamologue, s'est étonné de cette demande de réciprocité.Ces soupçons de prosélytisme ont été relayés par plus d'un dans la salle de conférences de Dar El Imam, y compris des professeurs venus des facultés des sciences islamiques d'Oran, de Constantine et d'Alger. Cette attaque en règle a fortement déplu aux pasteurs chrétiens. Il y a des Algériens qui viennent nous voir pour nous dire qu'ils ont la foi en le Christ et nous vérifions la sincérité de leur déclaration pour être sûrs qu'elles n'émanent pas d'eux pour des considérations matérialistes, dit Paul Deforge, évêque de Constantine. Ce sont les malentendus qui ont poussé les autorités algériennes à intervenir dans l'exercice du culte, par des règlements, ajoute Ghaleb Bader. En 40 ans, il n'y a jamais eu de problème, précise-t-il. Quatre ans après la promulgation d'une ordonnance, il estime que le temps est venu de faire une halte et d'opérer une évaluation. «Si quelqu'un ferme sa porte par crainte de voleurs, il faut qu'il vérifie si la menace existe toujours, sinon il faut d'autres mesures», souligne-t-il.La liberté religieuse et la liberté de choisir sa foi sont aussi réclamées en plus de la liberté du culte, qui est insuffisante, selon ce responsable qui ajoute qu'il faut accepter que des gens se convertissent. Si des restrictions persistent, ce serait un obstacle à l'entente entre les religions, menace l'orateur. Il se plaint aussi du fait qu'il n'arrive pas à faire parvenir en Algérie de nouveaux pasteurs ou des livres de prière. Les réticences de l'Algérie à répondre favorablement à ces demandes sont justifiées par le ministre des Affaires religieuses par des considérations de sécurité nationale. «Personne ne veut qu'il y ait des minorités religieuses en Algérie car cela risque d'être un prétexte pour les puissances étrangères de s'ingérer dans les affaires intérieures du pays sous couvert de protection des droits des minorités», assène-t-il. Le ministre a eu à s'exprimer sur les incidents récents qui ont eu lieu à Tizi Ouzou où un lieu de culte chrétien a été brûlé ainsi que sur ceux d'Aghribs dans la même wilaya où il y a eu entrave à la construction d'une mosquée. Le credo du ministre est limpide: non à la violence. A côté de cela, il ajoute qu'il faut une autorisation pour ériger des lieux de cultes, musulmans ou chrétiens. Pourquoi? répond Ghaleb Bader. Décidément, le débat est vraiment mal enclenché.