Pas moins de 6 millions d'Algériens présentent le risque d'atteinte rénale. Les masques sont tombés. Un réseau mafieux prend en otage le réseau de l'hémodialyse en Algérie. Ce réseau a pesé de tout son poids pour interdire les appareils d'hémodialyse fonctionnant à base de bicarbonate liquide. «Cette interdiction ne répond à aucun critère scientifique. Elle résulte des agissements d'une mafia qui a le bras long au sein de la Caisse nationale d'assurances sociales (Cnas)», a indiqué, hier, le Pr Tahar Rayane, président de la Société algérienne de néphrologie, dialyse et transplantation (Sandt), lors d'une conférence de presse animée au siége d'El Moudjahid à Alger. Laquelle conférence a porté sur la prévention de la néphrologie diabétique, l'insuffisance rénale chronique terminale en Algérie et le don d'organe. «Nous dénonçons les agissements de cette mafia de l'hémodialyse», a fulminé le Pr Rayane. «Mafia de l'hémodialyse», le mot est lâché. Cette mafia semble avoir une capacité d'influence au point de passer outre l'autorité du ministère de la Santé. Selon le conférencier, la décision de remplacer les appareils à solution liquide par ceux qui fonctionnent à base de poudre n'émane pas du département de Saïd Barkat. «Elle a été prise en dehors de l'institution ministérielle. Ensuite, la Cnas a été actionnée pour son application», a révélé le conférencier. «En 2006 nous avons saisi le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, ainsi que celui de la Santé concernant les agissements de ce réseau», a rappelé Mohamed Boukhors, président de la Fédération nationale des insuffisants rénaux (Fnir). Depuis, l'évolution de la situation montre l'étendue des largesses dont bénéficient ces milieux officieux dans les institutions de l'Etat. «Les malversations criminelles gangrènent ce secteur. Cette mafia a le bras long», a accusé le représentant de la Fnir. Les anomalies ne se limitent pas à ce stade. Le transfert des malades des centres d'hémodialyse publics vers ceux du privé répond, essentiellement, à des considérations lucratives. «Des médecins proposent leurs services à des cliniques et laboratoires en contrepartie de commissions financières», a déploré l'intervenant. Aussi, il a signalé que des officines sont derrière le forfait du remboursement des médicaments. Ces officines travailleraient en étroite collaboration avec des multinationales pharmaceutiques. Ainsi, les insuffisants rénaux sont les victimes principales de ces pratiques. Par ailleurs, le Pr Rayane a annoncé que 6 millions d'Algériens présentent le risque d'atteinte rénale. Sur ce total, 1,5 million de citoyens sont atteint d'une maladie rénale chronique. Actuellement, l'Algérie dispose de 270 centres d'hémodialyse dont 10 activent dans le secteur privé. «L'insuffisance rénale chronique (IRC) touche 25% des hypertendus, 39% des patients dyslipidémiques, 25% des sujets âgés de plus de 60 ans et 60% des personnes atteintes du cancer», a mentionné une étude faite par la Sandt. A l'échelle mondiale, 500 millions de personnes souffrent d'une insuffisance rénale. Pour cette année, l'Algérie compte 13.000 patients qui bénéficient de l'hémodialyse. Chaque année, 3500 personnes sont atteintes de l'IRC. Sur ce plan, les estimations de la Sandt sont effrayantes. Pas moins de 20.000 personnes pourraient être atteintes de l'IRC d'ici 20 ans. En effet, les insuffisants rénaux vivent un véritable drame. Ces derniers jours, deux filles sont décédées car n'ayant pu bénéficier d'une prise en charge adéquate. L'une originaire de Annaba, Aya, était âgée de 11 ans. L'autre était âgée à peine de 17 ans. Elle habitait dans la wilaya de Médéa. «Chaque vie humaine perdue est un malheur», a déclaré, pour sa part, le Pr Benarbadji, le doyen des néphrologues algériens et maghrébins. Pour rappel, la première greffe rénale en Algérie a été réalisée le 14 juin 1986. «Nous étions les premiers à le faire à l'échelle maghrébine. Actuellement, nous accusons un retard considérable par rapport aux pays voisins, dans ce domaine», a regretté le Pr Benarbadji. Il est certain que la prise en charge des IRC nécessite une intervention sur plusieurs plans. Il s'agit entre autres, de l'hémodialyse et de la transplantation d'organe. Sur ce dernier chapitre, le Pr Rayane a précisé qu'une agence nationale de transplantation d'organe verra le jour, au plus tard, au moins de juillet prochain.