Cette mouvance a perdu beaucoup de terrain, mais l'essentiel reste quand même à faire... Il est loin le temps où l'Algérie était le seul pays (ou presque) à tirer régulièrement la sonnette d'alarme sur les terribles dangers que fait peser l'intégrisme islamiste sur toute la planète. La diplomatie algérienne doit encore vivre avec le traumatisme des années sombres. De longues années de traversée du désert, d'un embargo tacite, qui a toujours refusé de dire son nom. Mais les capitales occidentales, secondées par certaines ONG (bien intentionnées) ne se gênaient guère, bien à l'abri de la fameuse question du «qui tue qui?» pour accuser les autorités algériennes de tous les crimes, mais aussi d'avoir étouffé une forme d'expression démocratique, celle de l'obscurantisme islamiste. Sans doute, ignorait-on que l'Algérie aurait pu devenir un autre Afghanistan à moins d'une heure du Vieux continent. Mais, à cette époque, même l'Afghanistan négociait sa reconnaissance par les puissants de ce monde sous condition de laisser passer un pipeline par son territoire et de recevoir en échange un milliard de dollars par an. Comme quoi, l'argent, nerf suprême de la guerre, est aussi un vecteur puissant des diplomaties. Les négociations avec le régime des talibans, qui avaient lieu discrètement dans un hôtel cossu d'Allemagne, ont été rompues quelques mois à peine avant les attentats du 11 septembre. Preuve en est que l'histoire a de ces hasards, qui ne peuvent que laisser l'observateur perplexe. Car, le second hasard, le plus important aussi, c'est que le commandant Massoud, connu pour être l'homme des Européens, mais aussi comme le seul homme capable de rassembler tout le monde sous sa coupe, a été assassiné deux jours avant ce terrible drame, unique dans les annales de l'histoire de l'humanité. Bref, l'Algérie n'a pas échappé à une forme terrible d'inquisition. Il est même de puissantes capitales étrangères qui, déjà, avaient commencé à négocier secrètement avec des leaders de l'ex-FIS afin que leurs intérêts soient préservés. Cette inquisition a failli mettre en péril le devenir de la République elle-même, sans le sursaut populaire épique, qui a permis un net recul du terrorisme, mais aussi une légitimation de toutes les institutions élues du pays. C'est, du reste, ce phénomène qui explique en grande partie que les plus dangereux terroristes, recherchés, condamnés par contumace par la justice algérienne, aient trouvé asile aux USA et dans de nombreuses capitales européennes. Le comble, sans doute, a été atteint lorsque Haddam a revendiqué à partir de Washington le sanglant attentat du boulevard Amirouche qui avait fait 42 victimes civiles, innocentes, à la veille du ramadan. Son extradition vers l'Algérie n'est même pas à l'ordre du jour même si les puissances mondiales ont changé leur fusil d'épaule depuis les terribles attentats du 11 septembre, mais aussi grâce au fantastique travail diplomatique effectué par le président Bouteflika depuis son arrivée au pouvoir en avril 99. Ce n'est donc pas un hasard si des responsables exilés de ce parti ont pu tenir le mois passé un congrès dans un lieu secret sous la bienveillante protection des services secrets belges. Cet événement a nettement tranché avec le changement de ton des capitales par rapport à la mouvance obscurantiste. Une lutte sans merci, déclenchée à l'échelle mondiale, était censée couper l'hersous les pieds des islamistes intégristes. De nombreux fronts ont même été ouverts à cet effet. Des comptes bancaires, jusque-là jouissant de nombreuses complaisances occidentales ont fini par être bloqués alors qu'une chasse à l'homme sans précédent a permis l'arrestation de centaines d'activistes soupçonnés d'avoir des liens plus ou moins étroits avec l'organisation terroriste d'Oussama Ben Laden. L'Algérie a profité de cette nouvelle donne. Ses services secrets ont pu collaborer avec leurs homologues étrangers dans le cadre de la recherche de nombreux criminels. L'expérience des services algériens, affinée à leurs nombreuses années de recherche et de documents longuement rassemblés en ont fait un allié de taille. En contrepartie, et pour la première fois, l'armée algérienne a pu obtenir le droit d'acquérir du matériel ultrasophistiqué de lutte antiterroriste, de vision nocturne...Mais la dualité de certains services secrets occidentaux est toujours de mise. Parmi les organisations entretenant des liens étroits avec Al-Qaîda, est-il encore besoin de le souligner, figure le Gspc de Hassan Hattab, dont des éléments activent un peu partout dans le monde. Tous les services des pays développés s'accordent à dire que l'archétype du jeune révolté est obsolète. Le monde, désormais, aura affaire à des terroristes rompus aux technologies de pointe, en rapport avec des organisations puissantes, dont l'organigramme et le mode de fonctionnement échappent presque intégralement à la connaissance et au contrôle des services secrets. Ces organisations, mais aussi la forme la plus primitive de l'islamisme intégriste semblent avoir trouvé, depuis peu, un nouveau sanctuaire au Maroc. Ce royaume, qui a été leur allié longtemps durant, est en train de subir un douloureux retour de manivelle. La partie est donc loin d'être gagnée. Une année après les attentats tragiques du 11 septembre, des avancées notables ont, certes, été enregistrées. Une prise de conscience internationale a, elle aussi, été observée. Mais, les actions sur le terrain continuent à voguer au gré des intérêts économiques, et uniquement eux. Ainsi, si une terrible guerre est en préparation contre l'Irak pour le contrôle de l'énorme pactole pétrolier de l'Orient, rien ne laisse encore supposer que les criminels algériens en fuite à l'étranger craignent le moins du monde pour leur liberté.