Les ELECTIONS de cette semaine seront-elles exemptes de fraude, donnée permanente des élections passées? L'organisation islamiste marocaine Al Adl wal Ihsane vient d'affirmer que sa non-participation aux élections du 27 septembre prochain vise à éviter au Maroc un raz de marée islamiste et la répétition de ce qu'elle appelle «le scénario algérien». Ainsi, les Marocains sont de plus en plus séduits par le chant des sirènes des formations islamistes légales, tolérées ou souterraines. C'est que «l'alternance démocratique» du Premier ministre Abderrahmane Youssoufi, chef de l'Union socialiste des forces populaires (Usfp) au pouvoir depuis cinq ans, a fait long feu et n'a pas conduit le royaume chérifien là où il voulait aller: la démocratisation et la modernisation du pays. Le Maroc est donc l'objet de nouveaux travaux de laboratoire avec cette fois une nouvelle expérience, celle d'une «transition démocratique bis» pour le royaume qui assurera à celui-ci, selon ses promoteurs, une évolution sans fracas majeurs. Mitigé et très critiqué, le bilan de la première expérience est d'ailleurs le principal thème de la campagne électorale pour les législatives de vendredi prochain, et qui verra les quelque14 millions d'électeurs choisir les 325 députés de la Chambre des représentants parmi les candidats des 26 formations politiques engagées dans la course aux voix et aux sièges au Parlement. Leur vote aura, de l'avis des observateurs et autres analystes des affaires du royaume, valeur de jugement sur cette expérience de gouvernement décidée en 1998 par le défunt roi Hassan II et qui a vu le Premier ministre actuel Abderrahmane Youssoufi succéder, au lendemain des élections de 1997, à un gouvernement de droite en prenant la tête d'une coalition de sept partis politiques très hétéroclite. Celle-ci a, par la suite, été reconduite après l'intronisation du nouveau roi Mohammed VI en juillet 1999. Les attentes des sujets marocains en matière de changement politique, économique et social, suscitant le courroux de l'opposition, Youssoufi, clame cependant, qu'il a fait pour le mieux, malgré les obstacles et les contraintes, dans un pays toujours dominé par l'omniprésence d'un Makhzen corrompu, et qui était, selon lui, au bord de la «crise cardiaque». Aussi, le scrutin législatif de cette semaine, dont les autorités marocaines proclament qu'il sera rigoureusement «honnête et transparent» et doit en principe mettre fin aux multiples fraudes électorales du passé, le nouveau roi ayant écarté, dès son accession au trône, l'inamovible et très puissant ministre de l'Intérieur Driss Basri, considéré jusqu'alors comme un maître «manipulateur» d'élections. Réelle volonté de crédibilité ou simple slogan électoraliste? En tout cas, d'ores et déjà, de lourds soupçons pèsent sur ces élections, puisque des tentatives de fraude et d'achat de voix, notamment dans les circonscriptions rurales, ont été signaléespar la presse, avec par exemple le versement de billets de banque à des électeurs contre la promesse solennelle de voter pour telle ou telle liste, la main sur le Coran. Conjuguée à l'absence de changements réels dans le pays, avec un taux de chômage qui dépasse les 21% de la population active en milieu urbain, la pauvreté endémique et la prolifération de l'habitat précaire, et surtout la persistance d'une corruption très largement répandue dans le pays, ces élections risquent d'être sans enjeu, voire un non-événement, sinon celui de reconduire un système fortement contesté par des populations au bord du désespoir, mais en vigueur depuis des décennies dans ce pays de plus de 30 millions d'habitants. Certaines formations politiques n'ont pas hésité à dire que le scrutin n'a pas de véritable sens démocratique dans un pays où la Constitution maintient l'essentiel du pouvoir, y compris la désignation d'importants responsables ministériels entre les mains du roi. D'où, comme ailleurs dans le monde où les establishments politiques sont très fortement discrédités aux yeux des populations, on craint ici aussi un très faible taux de participation, qui exprimerait la réalité profonde qui règne dans le pays.