Les islamistes devraient faire un carton aux élections législatives marocaines du 7 septembre prochain. Des élections que Mohammed VI souhaite constituer un gage pour la rénovation de la démocratie au Maroc mais que les Marocains s'apprêtent à bouder. Face à la montée de l'islamisme, l'establishment marocain estime que son courant modéré, qui participe pour la deuxième fois aux élections, constitue “un rempart” contre l'avancée fulgurante de sa version radicale dont les djihadistes affiliés à Al Qaïda Maghreb sont loin d'abandonner leur objectif de déstabiliser le régime pour instaurer un califat. Le Makhzen, qui s'attend à ce que le Parti de la justice et du développement (PJD) progresse à l'occasion de ce scrutin, se demande tout de même si l'islamisme institutionnel serait en mesure d'arrêter l'attirance d'une partie de la jeunesse, tétanisée par le chômage, la pauvreté et les frustrations afférentes, vers le radicalisme islamiste. Le PJD, qui est déjà la principale force d'opposition parlementaire avec 42 sièges sur 325, n'a pu faire grand-chose à cette dérive. D'autre part, le régime s'interroge sur l'attitude qu PJD après sa victoire électorale. Les islamistes se disent assurés de coiffer au poteau les quelque 30 autres partis en compétition. Devront-ils entrer au gouvernement ou être maintenu en dehors, c'est le casse-tête de Mohammed VI qui est également très préoccupé par l'image démocratique qu'il entend donner à l'étranger. Le Maroc entend se servir de ces élections pour se poser sur le plan international comme “le pays le plus ouvert d'Afrique du Nord” et attirer les investissements extérieurs en acquérant ce titre de prestige. Pour des analystes de la scène marocaine, quels qu'en soient les résultats, le scrutin de septembre ne devra affecter en rien la structure de la monarchie marocaine. Le roi tient en réalité les clés du pouvoir en qualité de commandant en chef des forces armées et de commandeur des croyants, il nomme, en outre, le Premier ministre et peut opposer son veto à un projet de loi. D'ailleurs, conscient de cette équation, le PJD s'est toujours inscrit dans une ligne cohabitationniste. Ni son programme ni son action politique n'annoncent d'affrontement frontal avec le pouvoir monarchique, relève Democracy Reporting International, une ONG très active au Maroc. Le PJD annonce tout de même pousser le roi à combattre plus efficacement une corruption multiforme aux racines profondes et obstacle majeur à la lutte contre la pauvreté qui affecte environ 40% de la population. Mais est-ce que le PJD va se contenter du rôle de pompier social que lui avait confié le Makhzen en 1990 lorsqu'il l'avait admis comme parti légal pour, en premier lieu, contrecarrer l'essor d'un islam radical représenté par Al Adl wal Ihsane ? Fondé il y a plus de deux décennies par cheikh Abdessalam Yacine, cette formation n'est que tolérée comme organisation caritative. Elle est exclue des activités politiques officielles en raison de sa franche hostilité à la monarchie. Le PJD, qui a obtenu en 2002 de bons scores dans les faubourgs pauvres des grandes villes, est d'autant plus persuadé de gagner plus de sièges que, parmi ses candidats, figure un oncle de Lalla Salam, épouse du roi. En outre, pour ne pas effaroucher, ses dirigeants jurent que leur programme s'inspire de l'islam mais qu'il est lié aux besoins des citoyens. Les populations marocaines, quant à elles, s'estiment assez loin de ces calculs et le roi vient de les exhorter à accomplir leur devoir électoral. Des analystes prévoient un fort taux d'abstention. D. Bouatta