La confusion et les ambiguïtés sur la conduite de l'intervention en Libye demeurent en raison de clivages profonds sur le rôle de l'Otan, même si l'Alliance atlantique est appelée à prendre progressivement en charge les opérations militaires. Les pays de l'Otan ont conclu jeudi un compromis laborieux et provisoire: ils vont prendre dans l'immédiat le relais de la coalition pour la zone d'exclusion aérienne, mais pas tout de suite pour les frappes au sol. Des négociations sur ce sujet très controversé doivent se poursuivre demain en vue d'un accord lundi, selon un diplomate. Objectif: faire en sorte que l'Alliance prenne bientôt toutes les opérations en main, sans que l'ensemble de ses 28 pays membres n'aient à assumer des bombardements sur des cibles libyennes, que refusent notamment la Turquie. Chacun présente la répartition des tâches dans le sens qui l'arrange. «Il n'y aura pas de changement» par rapport à la situation actuelle, a ainsi assuré le président français, Nicolas Sarkozy, à l'issue d'un sommet des dirigeants de l'UE à Bruxelles. Selon lui, les onze pays qui composent actuellement la coalition engagée sur le théâtre d'opérations libyen garderont la haute main sur «le pilotage politique» de l'opération. La «machinerie» de l'Otan servira par exemple, a-t-il dit, à «répartir les créneaux» des missions aériennes. «Les décisions sont prises par la coordination politique, les décisions de frapper sont prises par les autorités nationales, et l'Otan répartit les créneaux et les missions, discute des objectifs que lui propose la coordination politique», a-t-il résumé. Ce n'est pas l'avis des responsables de l'Alliance. «C'est le Conseil de l'Atlantique Nord (ambassadeurs des pays de l'Otan, Ndlr) qui aura le contrôle politique de l'opération», a dit hier l'un d'eux. «On prendra en considération» l'opinion du groupe de contact, qui rassemble les pays de la coalition et les pays arabes impliqués dans l'intervention libyenne, «mais le responsable c'est l'Otan», a-t-il martelé, sous couvert de l'anonymat. Les Etats-Unis qui commandent aujourd'hui la coalition chargé de faire respecter la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU en Libye, veulent s'effacer rapidement au profit de l'Otan. Londres, fer de lance de l'intervention aux côtés de Washington et Paris, semble s'être rangé du côté des Etats-Unis et a salué la décision de l'Otan d'assumer le contrôle de la zone d'interdiction de survol au-dessus de la Libye. «D'ici quelques jours, l'Otan pourra commander toute l'opération, avec la contribution de nations arabes qui participent aussi», a ainsi dit, à la BBC, le chef de la diplomatie britannique, William Hague. Signes des divergences de vue persistantes: le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, s'est félicité du transfert imminent du commandement des opérations militaires à l'Otan et souligné perfidement que cela allait mettre la France «hors-circuit». Au septième jour de l'intervention s'ajoute la crainte d'un enlisement sur le terrain. Le chef d'état-major français, l'amiral Edouard Guillaud, a estimé que l'opération de la coalition internationale dans le ciel libyen allait se prolonger pendant des «semaines», tout en espérant que cela ne durerait «pas des mois». L'ONU n'a pas prévu d'occupation militaire en Libye. El Gueddafi quittera-t-il son bunker sous la pression des insurgés? Une zone d'exclusion aérienne a été en vigueur 12 ans au-dessus du ciel irakien sans que cela empêche Saddam Hussein de se maintenir au pouvoir à Baghdad, rappellent des diplomates sceptiques.