La rupture est presque consommée entre la Centrale syndicale et le ministre de l'Energie et des Mines. Le récent colloque organisé à Constantine, par la tutelle, boycotté par l'Ugta et qui a failli se transformer en arène a ainsi signifié la rupture définitive des ponts entre les deux antagonistes. L'avant-projet de loi sur les hydrocarbures à mis à nu les défaillances de communication dont souffrent les institutions, le manque de concertation et l'incapacité des différents partenaires de dépasser leurs clivages. Le problème est d'autant plus grave dans la mesure où il engage le sort même de l'Algérie à travers Sonatrach qui, pour reprendre le génie populaire, «constitue le parapluie de l'Algérie». Pour Chakib Khelil, seule la nouvelle loi sur les hydrocarbures est à même de garantir la pérennité de cette société nationale qui ne peut se tenir à l'écart dans un contexte de mondialisation. L'argumentaire présenté par le ministre semble varier suivant l'évolution de la situation et le degré de la réaction de la Centrale de Sidi Saïd. Insistant à chacune de ses interventions qu'«il ne s'agit pas de privatiser Sonatrach», Chakib Khelil a cessé de se référer à l'exemple argentin, comme stipulé dans la première mouture, pour avancer dernièrement qu'il ne fait qu'appliquer le programme d'un gouvernement dont il fait partie. Sur les attaques de plus en plus virulentes de la Centrale, il réplique que cette dernière ne défend que les intérêts de ces adhérents signalant que l'Algérie compte 30% de chômeurs. «C'est cette loi qui va défendre ces chômeurs», a-t il déclaré dans une conférence de presse à Arzew durant le ramadan dernier. Plusieurs analystes estiment que Chakib Khelil ne fait qu'appliquer un dossier bien ficelé dans les bureaux des institutions internationales. Ces analystes avancent que l'actuel ministre de l'Energie a fait ces classes justement au sein de ces institutions où il a passé plus de 20 ans de sa carrière en tant que consultant. De son côté, l'Ugta n'y va pas avec le dos de la cuillère pour faire avorter un projet de loi qui «vise à brader la principale richesse du pays, fournissant plus de 98% des recettes en devises». Durcissant le ton, certains syndicalistes de l'Ugta sont allés jusqu'à assimiler carrément «la loi Khelil» à une trahison nationale. La question redondante chez les syndicalistes est: «Pourquoi privatiser la dixième compagnie pétrolière mondiale et qui, de surcroît, se porte très bien sur le plan financier?» Par ailleurs, la Centrale n'échappe pas aux critiques venant d'autres analystes plus enclins aux thèses libéralistes développées par Chakib Khelil. Pour eux, la réaction de l'Ugta est dictée par l'esprit rentier qui s'oppose à toute atteinte à des privilèges acquis à l'ombre de l'économie étatisée. Cela dit, cette querelle ne semble être, en réalité, que la partie immergée d'un iceberg qui caractérise les luttes claniques. Les différents clans ayant mûri pendant les dix années de terrorisme, expriment leurs spasmes sous l'apaisement de la situation sécuritaire, mais les conséquences sont préjudiciables à en juger par la vitesse qui caractérise l'avancée sur le terrain du programme de soutien à la relance économique.