“Le gouvernement se présente devant vous dans la quasi-totalité de sa précédente composition. Il vous a également fait parvenir, il y a quelques jours déjà, un programme en tous points similaire à celui du gouvernement sortant et que vous avez débattu et approuvé en juillet dernier.” Ces propos, lourds de sens, sont extraits du long discours prononcé, hier après-midi, par Ahmed Ouyahia devant les membres de l'Assemblée nationale. Ils s'ajoutent à d'autres qui versent dans le même sens. Celui qui montre un Premier ministre qui ne dispose pas de majorité à l'hémicycle et qui se présente avec des doutes et l'appréhension de voir son programme rejeté. Ceux qui connaissent Ouyahia de près ont perçu le changement dans le comportement de l'homme qui a perdu de son assurance. Personne n'avait imaginé que le Chef du gouvernement prononcerait une phrase sur la décision souveraine de l'APN ou dirait : “Le gouvernement se soumet à votre décision.” Le nouveau Chef du gouvernement a beaucoup insisté sur ces points qu'il n'a pas cessé de mettre en exergue tout au long de son intervention. Face à une majorité FLN, il est venu présenter et défendre la même copie que son prédécesseur, Ali Benflis, auquel il a rendu un vibrant hommage sous un tonnerre d'applaudissements des députés acquis à l'homme fort du FLN. Devant les députés, le Chef du gouvernement a voulu convaincre son assistance avec un argumentaire “politique et constitutionnel”. Dans son exposé, Ouyahia a tenté de cerner les raisons de la reconduction du même programme que celui de son prédécesseur en moins d'une année. Une démarche qui pourrait paraître inédite dans l'histoire des gouvernements algériens qui se sont succédé. Il tient d'abord à rappeler que “notre système constitutionnel, un régime présidentiel qui fait que le gouvernement met en œuvre le programme du président de la République (…)”. L'autre impératif mis en avant par Ahmed Ouyahia pour justifier la présentation de la copie de Benflis devant les députés est lié au temps qui est précieux dans la gestion des affaires de l'Etat et la conduite des réformes. “Reconduire un gouvernement et reconduire un programme procèdent de ce souci d'éviter de glisser dans l'éternel recommencement qui consisterait à élaborer un nouveau programme peut-être plus attrayant, mais assurément condamné par la course contre la montre”, a déclaré le Chef du gouvernement qui ne s'arrête pas là, puisqu'il a fait l'éloge du texte. “Le programme que nous vous soumettons a recueilli, l'année dernière, votre appréciation favorable tout autant qu'il a suscité, au sein de notre opinion, un écho fait d'optimisme et d'espérance.” Une manière comme une autre de mettre les députés devant leurs responsabilités et leur rappeler que le rejet de cette copie serait une action incompréhensible et illogique. L'Assemblée nationale ira-t-elle jusqu'à “censurer” le gouvernement d'Ahmed Ouyahia et le pousser à la démission conformément à la Constitution ? Un tel précèdent plongerait le pays dans une crise politique inédite. Une hypothèse que les milieux politiques écartent pour le moment, car elle déboucherait sur la dissolution de la Chambre basse du Parlement et l'organisation des législatives à dix mois de l'élection présidentielle. Cette dernière n'a pas été omise par le Chef du gouvernement dans son discours d'hier : “Une échéance électorale constitutionnelle est devant nous dans dix mois. Ignorer ce facteur serait une attitude de démagogie de la part du gouvernement. Tenir compte de cette réalité dicte la sage option de poursuivre l'œuvre entamée. Le gouvernement qui ne se place pas dans une logique de transition ou d'attentisme, a fait son choix.” Dans son exposé, le Chef du gouvernement a abordé les chantiers portant réformes de l'éducation, de la justice et de l'Etat tout en réitérant l'engagement de les mettre en œuvre. On signalera, enfin, que Ouyahia a rendu un vibrant hommage au défunt Medeghri qui a, a-t-il dit, jeté les bases de l'Administration algérienne. M. A. O.