Les producteurs locaux de médicaments ont accueilli avec satisfaction la mesure gouvernementale. Le gouvernement vient de prendre la première décision qui renseigne sur sa volonté de mettre de l'ordre dans le marché du médicament, d'encourager la production nationale et de permettre, par là même, l'émergence d'une véritable industrie pharmaceutique nationale. Qualifiée par les opérateurs de “courageuse”, la mesure interdisant l'introduction en Algérie de produits pharmaceutiques fabriqués localement mettra fin à plusieurs années d'anarchie et de désorganisation, qui ont caractérisé tout un créneau d'activité. Une telle décision, faut-il le souligner, a suscité satisfaction et espoir au sein des fabricants nationaux. Il fallait réagir à temps car le danger guettait de manière sérieuse la production locale. Ne pouvant faire face à la concurrence déloyale, des usines mettent la clé sous le paillasson, tandis que d'autres changent d'activité. La production locale accuse une décroissance de plus de 20%. Elle ne couvre qu'à peine 18% des besoins nationaux. Le groupe Saidal détient, selon certaines statistiques, 24% de parts de marché. Si l'on inclut les autres unités privées, l'Algérie couvre environ 35% de ses besoins en médicaments. Le Syndicat algérien de l'industrie pharmaceutique (SAIP) salue le geste de l'Exécutif. Pour son secrétaire permanent, M. Chibila, le constat est amer : d'une part, la facture de l'importation ne cesse d'augmenter d'année en année et, de l'autre, les usines ferment et les emplois disparaissent. Il y a près de huit ans, les pouvoirs publics exigeaient, conformément à un cahier des charges, des laboratoires étrangers d'investir et de fabriquer leurs produits en Algérie. Cette disposition a été, en revanche, abandonnée par la suite. Les firmes étrangères exportaient ainsi leurs médicaments vers notre pays sans en être inquiétées. Une autre règle, et non des moindres, a été également négligée. Il s'agit de la durée de vie du médicament (entre la date de fabrication et celle de sa péremption). Auparavant, on exigeait au moins les deux tiers de la durée de vie. Or, de nos jours, cette condition n'est plus appliquée. Une liste de 128 produits suspendus à l'importation, car fabriqués localement, a été en outre établie entre 2003 et 2004. Mais depuis, cette note n'a jamais été observée totalement. Pis, “elle a été même remise en cause pour des considérations que nous ignorons”, avoue M. Chibila. Le secrétaire permanent du SAIP demande aussi à ce que les produits fabriqués localement soient remboursés et ne soient pas soumis à un tarif de référence. Ces deux mécanismes, entre autres, vont, selon lui, donner un second souffle à la production nationale. Ils vont même inciter les laboratoires étrangers à lancer des projets en partenariat avec les producteurs algériens. M. Chibila affirme que les mesures prises par le gouvernement auront un impact direct sur la réduction de la facture de l'importation qui a clôturé l'exercice 2007, pour rappel, avec un montant de 1,4 milliard de dollars. Elle atteindrait peut-être le même niveau à la fin de l'exercice actuel en raison de la dépréciation de l'euro puisqu'elle a connu une hausse de plus de 30% durant le 1er semestre 2008 par rapport à 2007. Sur les 400 produits pharmaceutiques qui composent 80% de la facture de l'importation, est-il constaté, 300 peuvent être fabriqués localement. Car le savoir-faire et la technologie y afférents existent déjà. La facture à l'import va diminuer car les médicaments à large consommation sont fabriqués localement. La mesure prise par le gouvernement aura certainement une incidence sur les prix des médicaments d'autant plus que la production locale ne fabrique que des génériques qui restent moins chers que la molécule mère importée. Des incidences sont, en outre, attendues sur la création de l'emploi et de la richesse en termes de valeur ajoutée, ainsi que sur la cotisation à la Sécurité sociale qui, faut-il le préciser, demeure exposée à un éventuel déficit. M. Chibila trouve inadmissible que le marché algérien dépasse celui des pays voisins du point de vue de sa taille et de sa valeur, alors que 14 000 personnes seulement y sont employées. Cependant, “le secteur emploie dans l'un des pays voisins quelque 100 000 personnes”, regrette-t-il. Pour rappel, les producteurs locaux se sont engagés, dans le cadre de la stratégie industrielle initiée par le ministère de l'Industrie et de la Promotion des investissements, à couvrir 65% des besoins nationaux à l'horizon 2012 pour peu que les conditions nécessaires soient réunies. Il a fallu attendre presque deux ans pour que les ingrédients soient réunis. Aujourd'hui, le premier pas est franchi. À travers sa décision, l'Exécutif, indique le Dr Nabil Mellah, secrétaire général de l'Union nationale des opérateurs en pharmacie (Unop), a exprimé une marque de confiance pour l'industrie pharmaceutique. “Maintenant, à nous opérateurs d'être à la hauteur de cette confiance”, souligne-t-il. Le SG de l'Unop réitère toujours le défi pour lequel les producteurs se sont engagés, à savoir la couverture de 65% des besoins nationaux en médicaments à l'horizon 2012. L'UGTA s'en félicite L'UGTA “salue fortement” la décision du gouvernement. “Ces décisions conforteront et encourageront la production nationale du médicament, ce qui permettra indéniablement de réduire la dépendance du pays vis-à-vis du marché extérieur”, estime l'UGTA dans une déclaration dans laquelle elle ajoute que “ces mesures auront un effet direct sur la réduction des dépenses en médicaments et la préservation de la Sécurité sociale”. Badreddine KHRIS