La victoire de Barack Obama a été suivie heure par heure, avant-hier, au siège de la représentation diplomatique des Etats-Unis d'Amérique. Un verre à la main, l'air très décontracté, Robert, quelque peu enthousiaste, échange quel- ques palabres avec les quelques convives d'un soir. Un pin's d'Obama accroché à sa chemise, qui témoigne déjà de ses choix, cet Américain travaillant à Oran, que l'on peut confondre parfois par son côté jovial et boute-en-train à un jeune cadre du coin, en dépit d'une certaine fébrilité, se montre optimiste. “Obama va l'emporter”, prédit-il. Au siège de l'ambassade des Etats-Unis à Alger, dans le quartier huppé de Poirson, mardi soir, du beau monde était au rendez-vous pour suivre minute par minute les élections américaines qui se déroulaient à quelques milliers de kilomètres d'ici et qui suscitaient l'intérêt d'une bonne partie de la planète. Dans le hall d'un des bâtiments flambant neufs du nouveau siège de l'ambassade construits par des Turcs en un temps record dans un style qui emprunte un peu au mauresque, de petits groupuscules se forment déjà pour spéculer sur l'issue de ce scrutin que d'aucuns qualifient d'historique. Des petits fours sont servis, tandis que des écrans de télévision retransmettaient en direct le déroulement du scrutin. Il y a bien sûr des journalistes, mais aussi des hommes politiques comme le président du FNA, Moussa Touati, l'ex-Chef du gouvernement Mokdad Sifi, le président du RCD, Saïd Sadi, des éditeurs, des enseignants universitaires et de personnalités à l'image de Ali Haroun. En attendant l'arrivée du nouvel ambassadeur, les palabres le disputent aux présentations d'usage. Une consœur, revenue d'un stage aux Etats-Unis raconte son séjour dans ce pays complexe, compliqué mais si accueillant, dit-elle, un tantinet émerveillée. Sollicité à commenter l'actualité nationale, Moussa Touati tente de “distiller” l'optimisme. “Il pouvait (le Président, ndlr) bien procéder aux amendements avant, pourquoi est-il resté jusqu'à aujourd'hui ?”, s'interroge-t-il ironique, comme pour signifier qu'il y a eu les inévitables luttes du sérail. “En tout cas, il ne faut pas laisser le champ libre”, dit-il. 23 heures presque passées, David Pearce, le nouvel ambassadeur s'approche d'un pupitre installé pour la circonstance pour le discours de bienvenu d'usage. “C'est une élection historique, dit-il d'emblée, en relevant qu'un Noir ou une femme peuvent devenir président des Etats-Unis d'Amérique”. À l'intention de ses convives algériens, il rappelle que son pays a parrainé une quinzaine de personnes parmi lesquelles des enseignants, des acteurs politiques, et des journalistes pour observer l'élection. “En tout cas, nous souhaitons que quel que soit le futur locataire de la Maison-Blanche, la coopération s'intensifie avec l'Algérie, notamment dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, dans les échanges économiques et culturels”. Tenu par la réserve diplomatique, ce représentant de l'administration américaine, ancien journaliste, ne se hasarde pas à faire de pronostic. “Ma préférence, c'est un secret”, dit-il, le sourire aux lèvres avant de s'interroger sur les horaires de bouclage de nos journaux appelés à répercuter l'information. “Il faut attendre le surlendemain”, explique-t-on. Les minutes s'égrènent sur l'horloge bretonne et voilà que les premiers résultats commencent à tomber. Même s'ils n'ont pas beaucoup de délégués, les premiers Etats semblent être favorables à Obama. Quelques minutes plus tard, des annonces de CNN viennent indiquer l'inversement de la tendance. “Apparemment, c'est serré !”, commente un confrère. Robert, lui est confiant. Il explique que se sont les Etats où il n'y pas beaucoup de délégués. Une alerte : Obama est en passe de remporter la Floride, un Etat-clé parmi les Swing States, ces Etats qui déterminent l'issue de l'élection. L'Illinois et l'Ohio son déjà dans son escarcelle. Score 108 contre 36. L'optimisme est de rigueur chez ses partisans nombreux, il faut bien l'admettre, et Robert ne dissimule pas son contentement. Sollicité, Saïd Sadi analyse la situation du pays. “Il y a une situation de blocage”, lâche-t-il. Alors que d'aucuns spéculaient, les yeux rivés sur les écrans, quant à l'issue du scrutin encore inconnue dans certains états, Sadi ironise : “Là, c'est Bouteflika qui va l'emporter !” Vers 4h du matin, la victoire se dessinait progressivement en faveur du candidat noir et beaucoup, par la fatigue, quittaient les lieux. Robert, lui, sort pour griller une clope. “Il ne reste plus qu'une soixantaine de délégués et Obama sera Président.” Mais il faut encore patienter quelques minutes. 5 heures passées de quelques minutes, les présentateurs télés s'enflamment : Barak Obama est le premier président noir des Etats-Unis. C'était une nuit américaine. C'est la révolution nommée Obama. K. K.