Il n'y avait aucun croissant lunaire à attendre, dans la soirée du mardi 4 novembre, à l'ambassade des Etats-Unis à Alger mais la nuit du grand doute était bien là. Qui du jeune Barack Obama et du vieux John McCain allait remporter les élections présidentielles les plus disputées de l'histoire américaine ? Les invités, assez nombreux, entre hommes politiques, universitaires, journalistes et activistes du mouvement associatif, allaient de commentaires en pronostics. « C'est très serré », a lancé le sociologue Zoubir Arrous. « Je crois que c'est Barack Obama qui va l'emporter », a repris le jeune reporter Zoheir Bouzid de la Chaîne III Radio nationale. Il y avait plus de « obamistes » que de « macainistes » à la soirée, organisée dans un hall envahi d'écrans de télévision. La CNN avec ses « breaking news » occupait l'écran central ; Al Jazeera, Al Arabiya et France 24 étaient diffusées sur des écrans moins importants. Le personnel de la représentation diplomatique tentait de cacher ses préférences, même si la cause du candidat démocrate était largement soutenue, mais dans la discrétion. David D. Pearce, le nouvel ambassadeur, ne disait rien, lui aussi. « Je ne dirais même pas à mes enfants pour qui j'ai voté », a-t-il ironisé. Parmi les invités, peu de voix appuyaient le candidat républicain. Certains ont même accroché le badge rond Obama-Biden comme pour « assumer » (c'est en vogue !) leur choix. Le bleu du Parti démocrate était plus présent que le rouge du Parti républicain. Ce soir-là, l'âne qui symbolise le parti d'Obama était plus fort que l'éléphant du parti de McCain. « Pour la politique extérieure, Obama va sûrement engager plus de discussions multilatérales. Il est prêt à dialoguer avec l'Iran. Il va retirer les troupes d'Irak. Cela dépend de ce qui est faisable sur le terrain », a prévu le politologue Robert Parks du Centre d'études maghrébines en Algérie (CEMA) dont le siège est à Oran. « Depuis mon arrivée, j'étais continuellement impressionné par le niveau de compréhension des Algériens concernant les candidats et les enjeux des élections américaines », a reconnu, dans une brève allocution, David D. Pearce, le nouvel ambassadeur des Etats-Unis à Alger. Il a souligné que son gouvernement a invité un groupe d'universitaires et de journalistes à suivre de près le vote aux Etats-Unis. « Basé sur le débat et l'argumentation, notre système est fondé sur l'alternance régulière et l'engagement pour un processus libre et ouvert. Je ne dis pas que le spectacle est beau mais c'est de cette manière que nous régénérons notre système », a appuyé le diplomate. Il a ajouté que le peuple américain aura élu le premier président afro-américain ou la première vice-présidente de l'histoire du pays. Une manière de noter que la rénovation est venue de tous les camps. « Quel que soit le résultat du vote, ce qui reste est l'engagement des Etats-Unis à développer des relations étroites avec l'Algérie », a-t-il ajouté. Sur les écrans, la victoire de McCain au Kentucky a suscité un petit sentiment d'inquiétude, visible sur les visages. Au fur et à mesure que le temps passait, la vague bleue commençait à s'imposer sur l'immense carte des USA. Obama se détachait de loin de McCain. La victoire d'Obama en Pennsylvanie et dans l'Ohio, réputés « swing States » (Etats indécis), annoncée par Al Jazeera avant CNN vers minuit, était un tournant dans le vote. Les Républicains ont remporté la plupart des Etats du Sud comme le Texas avec ses 34 grands électeurs. « Normal, le Sud a toujours voté républicain », a expliqué Robert Parks. Vers 4h, il ne restait que quelques journalistes et des diplomates dans le hall de l'« election night ». Une heure après, la victoire d'Obama était annoncée avec l'extraordinaire résultat réalisé en Floride, Etat particulier de l'extrême sud des Etats-Unis. Pleurs et émotions. Dehors, Alger dormait encore. Dans l'attente de jours heureux et d'espoirs moins déçus...