Les deux rapports portant sur l'état de la nation sur les plans économique et social, présentés hier par le Conseil national économique et social (Cnes), n'ont pas laissé indifférents certains parmi les invités de la rencontre. Jugés, par les uns, trop “lisses” dans l'appréciation qu'ils font de la situation économique et sociale et, par d'autres, tout simplement bruts dans la présentation chiffrée du niveau de développement de l'économie nationale, les deux rapports n'ont, en fait, rien ramené de nouveau, que ce soit en termes d'évaluation de la situation du pays ou bien en ce qui concerne les perspectives de développement. Face à l'appréciation positive faite par le Cnes lors de la lecture du contenu des deux documents, le président du Forum des chefs d'entreprise (FCE), M. Rédha Hamiani, a d'emblée lâché qu'“il n'y a pas lieu de pavoiser”. Il a, en effet, estimé que vu l'importance des fonds et des investissements publics engagés ces dernières années dans la relance de l'économie nationale, le taux de croissance devrait être bien plus élevé que ce qui a été réalisé jusqu'à présent (autour des 5%). “La dépense publique a atteint 15%. Selon le rapport, elle est à 25%. On aurait pu faire très largement mieux”, a considéré M. Hamiani qui a relevé, au passage, que “cette croissance n'émane pas du monde de l'entreprise et n'est pas portée par le monde de l'entreprise”. Le président du FCE a mis en relief certains parmi les obstacles à l'émancipation de l'entreprise productive nationale. Il s'agit de la prolifération de l'informel et l'accroissement fulgurant des importations. “Il faut voir de près la part de l'industrie et celle de l'importation dans la consommation. Notre consommation est de moins en moins assurée par la production nationale”, n'a-t-il cessé de marteler, mettant l'accent sur ce qu'il a appelé le phénomène de “dévitalisation” du pays. Il a cité, à ce propos, la facture de l'importation et le rapatriement d'actifs et de bénéfices par les entreprises étrangères. Ce qui porte à près de 50 milliards de dollars les fonds qui quittent le pays chaque année. M. Hamiani s'est, dans cet ordre d'idées, interrogé sur la contribution des IDE au développement du pays. “Dans le rapport, on parle d'un milliard de dollars d'IDE. Pourtant, depuis déjà quelques années, on ne cesse d'avancer des chiffres de 10 ou 15 milliards de dollars”. Le président du FCE s'est, également, interrogé sur l'exactitude des chiffres relatifs au chômage et contenus dans les deux rapports, estimant que “gagner 3 points en une année dans le taux de chômage n'est pas chose facile” et que “peu de pays peuvent réaliser une telle prouesse”. Préconisant une économie de marché qui s'appuie sur l'émergence de champions nationaux et régionaux, M. Hamiani a réclamé, pour ce faire, une implication plus importante de l'entreprise nationale dans les plans de relance économiques. “On aurait dû associer les entreprises algériennes dans les grands chantiers réalisés jusque-là. Où sont-ils la plus-value et le transfert de technologie ramenée par les entreprises étrangères qui vont quitter le pays sans rien laisser derrière elles ?” s'est-il demandé. Abderahmane Benkhalfa, le secrétaire général de l'Association des banques et des établissements financiers (Abef), a, pour sa part, estimé que “la politique de croissance par la demande a échoué”, appelant le Cnes à accorder une attention “aux acteurs du marché qui font la croissance, en l'occurrence l'entreprise et la banque”. Il a, toutefois, souligné la fragilité qui caractérise les PME et leurs assises financières, ainsi que l'orthodoxie bancaire. Le SG de l'Abef a tenu à relever ce qui, selon lui, constitue un véritable événement mais qui est passé inaperçu. Il s'agit de la réduction des mouvements de la masse fiduciaire désormais matérialisés à 90%. Les rapports présentés par le Cnes ont été, au passage, écorchés par le secrétaire général permanent du Conseil national des assurances, M. Abdelmadjid Messaoudi. “Quand on a les formidables ressources qui sont celles de l'Algérie, on ne peut pas se contenter de tels chiffres de croissance”, a-t-il noté. Le président de la Chambre de commerce et d'industrie du Sahel, Brahim Bendjaber, a plaidé pour un recours aux fonds nationaux afin de relancer l'investissement. En revanche, Mustapha Mékideche, économiste et vice-président du Cnes, a estimé qu'“il n'y avait pas de raison de s'autoflageller”, allusion aux critiques exprimées dans la salle quant à la situation économique et sociale du pays. Il a d'ailleurs énuméré les efforts consentis par l'Etat pour juguler les problèmes d'eau potable, d'électricité… à travers les grands projets lancés ces dernières années. Hamid SaIdani