Peu de chiffres sont disponibles sur ce qui s'apparente à un fléau. Les données existantes restent très en deçà de la réalité, tant cette pratique est devenue courante. Une campagne pour dénoncer les violences à l'égard des femmes, et plus particulièrement le harcèlement sexuel, va être lancée à partir d'aujourd'hui, et ce, pour une durée de 15 jours. Initiée par l'association Afepec, cette campagne s'inscrit aussi comme un acte de solidarité avec les deux femmes victimes de harcèlement sexuel, et qui ont été condamnées par le tribunal d'Alger le 27 novembre dernier. Cette condamnation est lourde de conséquences et “condamne par avance toutes les futures victimes de harcèlement sexuel qui n'oseront plus briser la loi du silence”, nous dit une militante féminine. Peu de chiffres sont disponibles sur ce qui s'apparente à un fléau, et si chiffres il y avait, ils seraient très en deçà de la réalité tant cette pratique répugnante et répréhensible est pratiquée dans tous les milieux de la société, bénéficiant surtout du silence et de l'impunité. Récemment, une étudiante inscrite en magistère — nous ne dévoilerons pas plus de détails pour la protéger — a tenté de trouver une aide, une écoute pour être “délivrée de son encadreur” qui la harcèle, allant même à l'appeler la nuit au téléphone. La peur de se voir pénalisée dans son cursus universitaire, la peur que ses parents, ses frères s'en prennent à elle, au lieu de la protéger… font qu'aujourd'hui, cette étudiante est seule livrée à elle-même. Car pour son malheur, la société algérienne la considère non pas comme une victime, mais à la limite comme une coupable. “Elle a dû le provoquer”, combien de fois n'a-t-on pas entendu cette sentence, y compris dans la bouche d'autres femmes. Ou encore, n'a-t-on pas vu à la télé des hommes l'avouer le plus normalement du monde : “C'est la femme qui nous provoque avec sa façon de s'habiller !” Ce qui a fait réagir une mère de famille : “Je pensais que la différence entre l'homme et l'animal, c'est que le premier était capable de maîtriser ses instincts.” Dans le monde du travail, le harcèlement sexuel est l'un des “maux” qui revient en tête chez les femmes salariées lorsqu'elles évoquent leur situation professionnelle, et ce, quels que soient leur âge, leur niveau. Y compris dans le milieu de la presse, des cas sont évoqués du bout des lèvres. La violence à l'égard des femmes peut avoir des formes multiples, elles sont banalisées au quotidien. Par exemple, lorsqu'un pseudo-fou SDF s'en prend aux passants, bizarrement dans 98% des cas, ce sont des femmes : coups de poing dans le dos, insultes, crachats au visage… La crise sociale et la crise économique, qui frappent durement la société, provoquent des comportements agressifs qui s'expriment majoritairement contre la femme, dans la rue ou dans le foyer. La femme devient une sorte de défouloir, un exutoire en réaction à toutes les frustrations vécues dans la société par les hommes, surtout les jeunes. Lors de cette campagne qui va débuter aujourd'hui par une conférence de Mme Samira Ghozali de la Commission nationale des femmes travailleuses, des expositions et des concours d'affiches vont être programmés. Une autre association féminine d'Oran, appelée Fard, organise aujourd'hui dans une cité universitaire, près de l'IGMO, la projection du film de Sid-Ali Mazif qui sera suivie d'un débat avec les étudiantes. ? Sidi Bel-Abbès, des actions d'information, des rencontres-débats sont également prévues par le mouvement associatif et des organisations de défense des femmes. DJAMILA L.