Humble, égale à elle-même, rayonnante, la célèbre moudjahida, Djamila Bouhired, nous a fait l'honneur et la surprise de rendre visite, hier, au journal Liberté, reçue par M. Abrous Outoudert, directeur de la publication, et son staff dirigeant. L'occasion pour la figure emblématique de la Révolution algérienne de s'entretenir avec les journalistes et d'aborder des questions liées à la Révolution, de ce legs que nous laisse nos aînés et la mission de la jeunesse post-indépendance à relever des défis fondamentaux pour les générations à venir. “Mes enfants, soyez fiers de votre histoire de votre pays”, lancera-t-elle à l'adresse des journalistes émus par sa présence. “Les choses ne sont pas encore dites et l'histoire devra être écrite, un jour, comme il se doit”, s'exprimera celle qui a préféré une vie discrète et paisible à une vie publique et politique qu'elle aurait pu mener avec brio. “Ne soyez pas impressionnés par tout ce qui s'est raconté sur moi. Je n'ai fait que mon devoir envers mon pays”, précisant non sans une note d'humour qu'elle a vécu les pénuries d'eau et lavait son linge à la main comme tout le monde. La figure emblématique de la Révolution a tout bonnement voulu dire que son héroïsme durant la guerre algérienne n'enlève en rien au fait qu'elle reste citoyenne algérienne au même titre que le reste du peuple. Elle n'en dira pas plus sur ce qu'elle a qualifié de “deuil profond qui demeure en elle” se contentant d'encourager toute l'équipe à aller de l'avant. Le rebelle de toujours et pour toujours a rejoint le Front de libération national (FLN) alors qu'elle n'était encore qu'étudiante. Elle travaillera plus tard comme officier de liaison et assistante personnelle de Yacef Saâdi à Alger. En avril 1957, Djamila Bouhired est blessée dans une fusillade et capturée par l'armée française, soupçonnée d'être une poseuse de bombes, inculpée de terrorisme, torturée et condamnée à mort. Son exécution est stoppée par une campagne médiatique menée par Jacques Vergès et Georges Arnaud. Ils écrivent un manifeste, publié la même année aux éditions de Minuit, Pour Djamila Bouhired. C'est, avec le livre d'Henri Alleg la Question, l'un des manifestes qui alerteront l'opinion publique sur les mauvais traitements et les tortures infligés par l'armée aux indépendantistes algériens. Devant le tollé international soulevé par sa condamnation, elle est finalement graciée et libérée en 1962. Elle travaille après sa libération avec Jacques Vergès, qu'elle épousera en 1965 et fera l'objet du célèbre film Djamila, œuvre magnifique de l'Egyptien Youssef Chahine qui a évoqué ainsi sa vie et son parcours de combattante (sorti en 1958) et que nous gardons gravé dans nos mémoires. Longue vie à notre héroïne nationale. Nabila Saïdoun