Rien à dire, 007 a changé. Depuis Casino Royale et l'arrivée de Daniel Craig dans le rôle titre, le plus célèbre et plus vieil agent secret du cinéma – la franchise à l'âge de l'Algérie indépendante —, a pris un coup de jeune. Cette mutation, entamée en 2007, se confirme aujourd'hui avec Quantum of Solace, projeté depuis lundi à Alger. Dans cet opus très sombre, qui fait suite à Casino Royale, James Bond n'a plus vraiment le temps de séduire ou de sourire. Les deux premières séquences du film, une poursuite de voitures infernale à la frontière franco-italienne, et une scène hallucinante de duel sur échafaudages (grande spécialité maison), donnent d'ailleurs le ton. L'heure n'est pas à la rigolade : le MI6 affronte un ennemi dont il ne sait rien, “mais dont les hommes sont partout”. Même parmi les gardes du corps de “M”, chef des services secrets britanniques. Vesper Lynd, l'héroïne de Casino Royale a trahi Bond, et 007 est bien décidé à retrouver ceux qui ont forcé sa bien-aimé à faire cela. Bond croise alors la route de la belle et pugnace Camille (Olga Kurylenko) qui cherche à se venger elle aussi. Elle le conduit sur la piste de Dominic Greene (rôle interprété par le Français Mathieu Amalric), un homme d'affaires impitoyable et un des piliers de la mystérieuse organisation. Au cours d'une mission qui l'entraîne en Autriche, en Italie et en Amérique du Sud, Bond découvre que Greene manœuvre pour prendre le contrôle de l'une des ressources naturelles les plus importantes au monde en utilisant la puissance de l'organisation et en manipulant la CIA et le gouvernement britannique. Pris dans un labyrinthe de traîtrises et de meurtres, alors qu'il s'approche du vrai responsable de la trahison de Vesper, 007 doit absolument garder de l'avance sur la CIA, les terroristes et même sur “M”, afin de déjouer le sinistre plan de Greene et stopper l'organisation... De cette cavalcade qui vous laisse à bout de souffle, tournée dans des décors naturels magnifiques, il ne vous restera sans doute pas grand-chose de profond, une fois sortis de la salle. Mais, ce n'est pas exactement cela qu'on attend d'un bon film d'action. Ce qu'on attend, et notamment les aficionados, c'est un brelan de trois figures. Peu importe même le scénario. Ce qui compte vraiment, c'est de réussir, un, le méchant. Celui-ci doit être un génie pervers, assoiffé de pouvoir, aimant les femmes et usant de son influence maléfique pour asservir le monde. Deux, la James Bond girl doit être à la fois supersexy, intelligente et très dangereuse. Trois, James Bond lui-même. Et c'est là que réside la réussite des ayants droit de la famille Broccoli. Depuis Casino Royale, 007 est revenu à une forme basale. Exit les tirades distinguées, exit les sentiments généreux. Daniel Craig incarne un Bond brut de décoffrage, un nettoyeur hors pair, un tueur sans état d'âme qui regarde tranquillement son adversaire agoniser. Un vrai pro, plus crédible. Bien sûr, un James Bond reste un James Bond : 007 évite une rafale de mitraillette d'une feinte de corps, court sur tout support (des toits de Sienne, ne le ralentissent pas), pilote son Aston Martin DB 9 comme un dieu et n'a pas son pareil pour tomber les filles. Il ne meurt jamais, transpire à peine, saigne juste ce qu'il faut. Mais, il n'est pas le seul dans ce cas. Et, enfin débarrassé de cette affectation soit disant typiquement britannique (cf Roger Moore, Timothy Dalton ou Pierce Brosnan), il donne la pleine mesure de son talent de tueur professionnel au service de Sa Majesté. Sur le marché des assassins de cinéma, décidément, le nouveau Bond cote plutôt bien. R. A. Quantum of Solace, de Marc Forster, avec Daniel Craig, Olga Kurylenko et Mathieu Amalric. Projection à raison de trois séances par jour à la salle Algeria : 13h30, 15h30 et 18h. Visible également au Cosmos (Oref).