Les élèves du CEM d'Aït Saâda, dans la commune de Yatafene (wilaya de Tizi Ouzou), sont livrés aux quatre vents lors des laps de temps qui durent entre midi et la reprise de 14 heures. En effet, sans cantine scolaire depuis des années, les élèves inscrits en régime demi-pension sont exposés à toutes les vicissitudes de la rue parce qu'aucune prise en charge ne leur a été proposée au niveau de leur établissement, en dehors des heures officielles imparties à leur scolarité. Le problème ne se pose pas pour les élèves résidents au village d'Aït Saâda, puisqu'ils habitent tout près de leur domicile, mais pour les quelques dizaines d'enfants – filles et garçons – venant du chef-lieu de la commune, à huit kilomètres plus loin. Ces innocents endurent le calvaire répété pendant le cursus du moyen avant de rejoindre le lycée pour les plus chanceux. Parler de chance n'est pas si insignifiant que certains l'imaginent dans le monde de l'éducation, mais c'est une aubaine pour beaucoup car il est quasi impossible d'échapper aux affres des fléaux sociaux que la rue leur réserve. “Chaque matin, nous nous réveillons à l'aube pour prendre le transport scolaire et arriver très tôt devant le CEM de Hand Ouchène, et grelotter sous le froid dehors car nous ne pouvons entrer qu'au bon grès du concierge qui ne peut évidemment pas toujours assurer le mouvement des élèves avant la sonnerie”, dit une élève de Souk El-Had. À midi, les malheureux se retrouvent encore pour une bonne période à vagabonder dans les parages. Ces errances se transforment souvent en comportements malsains : les habitants du voisinage n'arrêtent pas de rouspéter contre les multiples dérangements que ces adolescents leur causent. Peut-être par inadvertance, les plus récalcitrants parmi ces élèves s'adonnent à la profanation des tombes en tirant sur les stèles funéraires. En fait, toutes ces déperditions ne seraient que le résultat d'un laisser-aller des responsables concernés, mais aussi de la faiblesse des parents qui, souvent dépassés par leur quotidien difficile et contraignant, n'arrivent pas à coordonner leurs efforts pour réclamer une cantine en bonne et due forme. “L'administration du collège a déjà tenté d'ouvrir la cantine courant le risque d'effondrement de la structure qui aurait été rejetée par les services de la direction pour non-respect des normes de construction. Cela n'a duré que le dernier trimestre de l'année passée”, nous apprend une parente. La fragilité des poutres porteuses et les fondations hasardeuses du bâti ont créé des tergiversations au sein de l'administration. Par conséquent, faire payer aux collégiens les tares des responsables ne pourrait aucunement aider à corriger un comportement malintentionné. Rappelons que même le wali avait exhorté, lors d'une visite dans la région, les élus locaux à trouver une assiette où implanter un CEM en bonne et due forme et “éviter ainsi toute forme de bricolage”. Mais l'exigence est pratiquement impossible à réaliser, faute de disponibilité de terrain… D'ici là, les élèves demi-pensionnaires du CEM de Hand Ouchène continuent leur cavalcade dans les pires conditions qui, le moins qu'on puisse dire, les mèneraient droit vers l'échec et la déperdition scolaire. LIMARA B.