À l'instar de captivants contes de la crypte, des êtres vivants côtoient au jour le jour les morts au cimetière de Sidi Yahia, qui chevauche la ville de Bir Mourad Raïs et la cité cossue de Saïd Hamdine. S'il en est, l'image est d'autant effrayante, notamment à l'évocation de furtives silhouettes que reflète la séquence fantasmagorique, particulièrement au claire-obscure de la période de la pleine lune. En effet, l'enchaînement de séquences, dignes des scènes d'horreur, est d'ailleurs fascinant, surtout au moment où les miséreuses chaumières et les tombeaux s'unissent dans l'atmosphère macabre du crépuscule. C'est ce qui fait l'envers du décor au quartier “in” de Sidi Yahia où au soir de l'extinction de néons d'échoppes, l'obscurité donne des sueurs froides dans le dos et hérisse les cheveux sur la tête du quidam de passage. L'effroi s'en ressent à la reproduction dramatique et patibulaire d'environ 63 familles qui y vivent “intra-muros” de la cité des morts. Pour quelques cas de ces malheureux, peut-être bien qu'il s'agit de descendants de “croquemorts”, sinon de fossoyeurs qui y habitaient ici autrefois, avant qu'ils ne convolent en justes noces dans l'étroitesse des loges de célibatorium, disent-ils. Si tant et bien qu'ils en sont à la troisième génération. Seulement, une cohorte d'indus occupants s'en est mêlée à une période de triste mémoire où la situation au bled de Sidi Abderrahmane était au sauve-qui-peut. Si tant et de frauduleuse façon que le carrousel de squatteurs s'en est allé crescendo et l'autorité n'y a vu que le feu de l'enfer. D'après un chapelet d'indiscrétions à l'intonation caverneuse, les enfants jouent à “Dix ça y est” ou à “Cache-cache” derrière les tombes. Et lorsqu'ils se divertissent au “Saute moutons”, les parents retiennent leur souffle de crainte qu'ils ne se fracassent le crâne tout contre les pierres tombales. D'ailleurs, d'autres ont grandi dans ce paysage funéraire, si loin de l'univers enchantée de l'… enfance. Et ce n'est pas de gaieté de cœur qu'ils s'y plaisent à demeurer parmi les morts dans leurs réduits d'une cinquante de mètres carrés où d'hideuses bestioles rampantes y font leurs nids. Pis, c'est tout cela qui a réduit l'effort de la mise en valeur d'ossuaires de la capitale qu'a élaboré le staff de l'établissement public des Pompes funèbres de la wilaya d'Alger. Pour finir, l'horrible coexistence d'avec les morts s'ajoute ainsi aux affronts d'un panel de pollueurs qui y laissent ainsi derrière eux tout un parterre de bouteilles en plastique et autres détritus après s'y être recueillis sur la tombe de leurs chers disparus. Bien entendu, c'est tout cela qui concourt à altérer davantage le repos dû aux morts, et en l'absence du garde-champêtre d'antan, les pollueurs ne sont pas les payeurs. Nazim Djebahi