Le SG de l'instance exécutive du FLN laisse entendre que son parti est le métronome de la vie politique du pays. Sans surprise donc, le candidat “indépendant”, Abdelaziz Bouteflika, a passé sans encombres l'épreuve de la collecte des signatures exigée par la loi pour aspirer à figurer sur la liste des postulants au fauteuil de la magistrature suprême le 9 avril prochain. Plus de trois millions de signatures ont ainsi été collectées à son profit, a indiqué samedi dernier le secrétaire général de l'instance exécutive du FLN lors de son passage au Forum de l'ENTV. Selon Belkhadem, l'homme sans doute le plus proche du candidat, le FLN a récolté quelque 1 151 000 signatures alors que le Rassemblement national démocratique (RND) d'Ahmed Ouyahia a réuni 5 460 signatures d'élus et 540 000 signatures de citoyens. Quant au MSP de Abou Djerra Soltani, il a réuni 224 000 signatures de citoyens. Le reste des signatures est l'œuvre de ceux qui sont communément appelés les organisations de masse dont la puissante ONM. Pour un candidat, sans appareil politique, comme il se définit, la moisson est plutôt généreuse, convenons-en. Mais à quoi rime bien cet empressement de Belkhadem à divulguer ces chiffres ? Si bien entendu, son statut de président de l'Alliance présidentielle et de surcroît patron d'un parti dont Bouteflika est le président d'honneur, lui permet de parler des détails de l'opération de la collecte des signatures, il reste que le message dépasse sans doute l'arithmétique des chiffres. Il y a d'abord cette volonté de réaffirmer que le FLN est la première force politique du pays. Et Belkhadem ne se prive pas de le rappeler. “Les militants du parti FLN sont convaincus que leur formation politique est à l'avant-garde de l'action politique et qu'elle regroupe toutes les catégories de la société algérienne et ne se limite pas à l'élite”, a-t-il dit. Ce rappel vise probablement deux objectifs : rassurer le candidat sur la bonne santé du “front” et mobiliser la base militante, toujours prompte à être du côté de celui qui sait “exhiber ses biceps”. Ensuite, Belkhadem dont le parti est incommodé par la part revenue à son “clone” le RND dans la répartition des directions des comités de campagne semble chercher à dire au “candidat” et par ricochet, au directeur de campagne, que le FLN est victime d'une injustice, en ce sens que c'est lui qui représente la force de mobilisation essentielle. Pour preuve : il dépasse largement ses deux collègues de l'Alliance, lesquels, à eux deux, n'ont pu atteindre ce qu'a récolté le FLN. Enfin, en connaisseur des traditions du pouvoir, Belkhadem veut placer ses pions dès à présent, lui qui sait pertinemment l'issue de l'élection. Il veut d'ores et déjà revendiquer la part du lion dans la distribution des postes dans la future architecture du pouvoir. Belkhadem qui n'ignore pas qu'Ahmed Ouyahia, embusqué, s'attend à un grand destin national (les permanences des wilayas-clés seront dirigées par le RND ainsi qu'à Alger-Centre) dans les prochaines années cherche, par ricochet, à grenouiller ses pairs pour d'une part conforter la position de son parti et, d'autre part, anticiper les crises qui secouent régulièrement l'ex-parti unique. C'est dire que derrière les chiffres se nichent des messages, lesquels ont valeur de surenchère et par endroit de pression. Karim Kebir