Téhéran est, apparemment, bien partie pour une seconde révolution. Aux manifestations estudiantines s'ajoutent les pressions internationales pour obliger ses autorités à se conformer au cahier des charges de l'AlEA. Le pouvoir pensait régler, comme à l'accoutumée, la sédition estudiantine. Il a fait charger ses milices des mœurs dans les campus, faisant arrêter des centaines d'étudiants accusés d'être des mercenaires à la solde du grand Satan (USA). Rien n'y fait. Comme un feu follet, le mouvement s'est propagé dans la capitale et dans les principales villes. Le Bazar, baromètre politico-idéologique de l'Iran, s'est déclaré du côté des étudiants, contrairement aux certitudes des Ayatollahs. De fait, voilà déjà un bon moment que la marmite bout en Iran où, paradoxe des paradoxes, un président élu au suffrage universel pour son programme réformiste, doit se soumettre d'abord et avant tout, au guide spirituel de la république islamique (AIi Khamenei) qui incarne l'héritage de Khomeyni, le père-fondateur de la révolution islamique. Le Conseil des Ayatollahs qu'il préside veille à l'observance stricte des préceptes islamiques. Ce Conseil est au-dessus de toutes les institutions. Les manifestants s'en sont pris également au président Khatami, accusé de ne pas avoir tenu ses promesses d'ouverture démocratique et de libertés individuelles, alors qu'il est au pouvoir depuis six années. Réélu pour sortir le pays du piège islamiste, Khatami a remis son sort entre les mains des ayatollahs qui l'ont débarrassé de ses proches réformateurs sans qu'il bouge le doigt. Pourquoi ? La question reste posée, d'autant qu'il avait obtenu également le soutien de puissances occidentales, de l'Europe, notamment, où il a fait des visites remarquées. Chassez le naturel, il revient au galop : avant de subir l'examen des urnes, Khatami a été adoubé par les ayatollahs. En le conspuant, les Iraniens font savoir qu'ils ont compris : le régime islamique ne peut pas être changé de l'intérieur, dénonçant le pouvoir “divin et absolu” dont se prévalent les religieux pour corseter la société qui, elle, veut vivre son temps. 248 personnalités ont signé une pétition dans laquelle le procès du pouvoir religieux est fait, sans ambages et de façon claire. 135 députés ont dénoncé, auparavant, dans une lettre ouverte, l'instrumentalisation de la religion pour arriver au pouvoir et le conserver, réclamant de profondes réformes démocratiques. Faute de quoi, prédisent-ils, les Ayatollahs connaîtront le sort des Talibans. Bush s'est empressé de féliciter les manifestations, y voyant un souffle de liberté mais surtout en ayant à l'esprit les Chiites de l'Irak dont des franges prennent leurs ordres chez les Ayatollahs de Téhéran. Les autorités iraniennes n'ont pas le temps d'apprécier cette bouée de sauvetage qui leur aurait permis d'organiser à leur guise de véritables chasse à l'homme au motif de collusion avec l'Amérique, qu'elles sont rattrapées par un autre dossier qui mobilise la communauté internationale. L'AlEA vient de donner à Bush le quitus inespéré qui lui permettrait de faire intervenir le Conseil de sécurité, comme ce fut le cas pour l'Irak de Sadam. L'Agence internationale de l'énergie atomique exige de l'Iran la signature d'un protocole additionnel au traité de non prolifération nucléaire qui permettra des inspections inopinées sur ses installations nucléaires. L'UE n'en pense pas moins, ses ministres des AE exigent la même chose, exhortant Téhéran à le faire sans conditions et rapidement. Pour les experts, Téhéran serait en mesure de se doter de l'arme nucléaire d'ici cinq années. L'Iran est ainsi dans l'œil du cyclone. L'accusation d'Etat voyou par les Etats-Unis est infamante et inacceptable aux yeux du droit international mais, pour l'opinion internationale, le pays de la révolution islamiste doit fournir les preuves qu'il ne cherche pas à fabriquer la bombe atomique. D. B.