Populariser la justice auprès des citoyens et des médias et vulgariser la communication auprès des magistrats, deux objectifs jusqu'à maintenant plus théoriques que pratiques mais dont la concrétisation semble faire son chemin. C'est en tout cas les avis des magistrats (algériens et français) ainsi qu'on a eu à rencontrer à la résidence des magistrats de Ben Aknoun en marge du séminaire organisé dans le cadre du programme Meda II qui s'est terminé hier et dont l'intitulé était le “renforcement des compétences aux techniques de communication judiciaire”. Autour d'une table ronde improvisée, la justice, les citoyens et les médias ont été les sujets du débat auquel a participé le procureur général près la cour d'appel de Montpellier (France). La conseillère du ministre de la Justice, Mme Bisker, a insisté sur l'importance des dernières dispositions décidées par la chancellerie et qui entrent dans le cadre de la réforme de la justice. Elle s'est surtout attardée sur la communication judiciaire : “Le ministre accorde un grand intérêt aux médias et à l'instauration d'une relation harmonieuse entre les magistrats et les médias dans le but ultime de l'accès des citoyens à la justice et aux droits.” Allant dans le même sens, un des participants au séminaire, le procureur général adjoint, Medjired Abdelmadjid, nous dira que “les magistrats ont compris que la communication est incontournable” avant d'étaler les exemples en citant la création des guichets uniques ou encore “la facilité qu'ont dorénavant les citoyens à s'enquérir de toutes les informations qu'ils veulent concernant la justice et leurs droits.” Il n'omettra pas d'accentuer sa démonstration en insistant sur ce qu'il considère comme un changement primordial. “À l'inverse de ce qui se passait avant, il est maintenant plus facile de rencontrer les procureurs et cette proximité peut être vérifiée sur place”. De son côté, l'expert en visibilité-communication, Mme Aida Hachemi, s'est attardée sur l'importance du stage : “Un premier groupe de 20 procureurs généraux adjoints a déjà bénéficié de cette formation du 31 janvier au 2 février dernier” avant de préciser qu' “au moins trois séminaires du même type sont prévus d'ici la fin juillet. Au total, une centaine de magistrats seront formés dans le cadre de ce programme.” L'expérience française au menu Le procureur général près la cour de Montpellier, Bernard Legras, a affiché un satisfecit presque général sur la réforme de la justice entreprise en Algérie : “Par exemple, je peux vous dire que pour l'archivage judiciaire, vous êtes en avance sur nous,” dira-t-il. Etant l'un des deux experts principaux assignés au stage, le magistrat français a essayé d'expliquer les grands axes des trois jours passés avec les PGA algériens en se référant à son expérience dans son pays : “En premier lieu, il y a la communication institutionnelle qui est très difficile et sur laquelle il y a de gros progrès à faire. On a du mal à instaurer des rapports constructifs avec les médias. La seconde est la communication de crise qui concerne les faits divers graves, les crimes ainsi que les attentats et dans lesquels on a pu nouer une forme de protocole avec les médias. La dernière concerne la gestion des procès sensationnels.” Des thèmes que le procureur Legras a eu à vivre à plusieurs reprises lors de son parcours. Il était procureur de la République en Corse lorsque le préfet Claude Erignac a été assassiné. À son passage à Colmar, il a, entre autres, eu à gérer l'affaire des sept nouveau-nés retrouvés enterrés. Il nous a d'ailleurs donné son point de vue pour appuyer l'intérêt qu'il accorde à la présomption d'innocence : “Dans ce cas des témoignages avaient désigné une femme comme probable mère des nouveau-nés et donc coupable idéale. J'avais dit stop et j'avais demandé un test ADN et finalement, elle n'avait pas de relation avec les nouveau-nés”. Se retrouvant souvent au cœur de l'actualité, il nous relatera les vicissitudes de l'affaire du corbeau qui, ces dernières semaines, fait la une des médias en France : “Les lettres de menace anonymes ont été envoyées de Béziers (près de Montpellier dont il est procureur général depuis le 3 décembre 2007 : ndlr) accompagnées d'une balle de calibre 9 mm. Un ancien militaire a été accusé et son ex- femme avait même affirmé qu'elle reconnaissait son style d'écriture. Les médias se sont emparés de cette histoire. La police a dû le placer en garde à vue et en perquisitionnant, ils n'ont rien trouvé. En plus, et alors qu'il était en garde à vue, de nouvelles lettres de menace sont envoyées. Ce qui à première vue l'innocente, cependant la presse locale l'avait jeté en pâture en publiant ses photos. Ce type est devenu plus agressif avec les médias qu'avec la justice et d'ailleurs il ne compte pas lâcher le quotidien.” Il reviendra ainsi sur la nécessité de la relation entre la justice et les médias “deux mondes différents et une certaine défiance existe entre eux, c'est pourquoi nouer des rapports de confiance est primordial puisqu'ils ont les mêmes objectifs”. Le procureur général français évoquera le modèle des clubs de la presse dans l'Hexagone qui, selon lui, ont beaucoup contribué “à nouer des relations de confiance entre les magistrats et les journalistes”. Salim Koudil