Autres temps, autres mœurs. La campagne pour l'élection présidentielle de 2009 s'ouvre, aujourd'hui, sur la crainte majeure, en particulier au niveau des staffs de campagne des candidats, d'un autre mouvement abstentionniste. Le souvenir de celui des législatives du 17 mai 2007 semble avoir définitivement gelé tous les enthousiasmes débordants de plusieurs décennies de fastes électoraux. Le constat est tout de même patent. Partout dans le monde, l'urne vide devient de plus en plus une hantise, en effet, qu'aucun discours politique ne peut plus expliquer autrement que par la désaffectation de la population. En termes de géopolitique mondiale liée à des facteurs culturels et sociologiques, voire philosophiques avérés, l'Algérie n'échappe pas, par conséquent, à la règle générale aujourd'hui constatée sur les trois quarts de la planète, où la plupart des échéances électorales résistent aux a priori quelque peu carrés, décidés plus que souhaités par des politiciens débordés par leurs propres illusions, sur d'éventuels engouements populaires et si possibles grandioses, bien sûr. Cette année en Algérie, les préoccupations citoyennes paraissent néanmoins converger vers trois critères essentiels. L'on peut dire que ce seront vraisemblablement des critères d'audience qui, confondus, pourraient constituer l'enjeu central de cette élection, et de la période cruciale qui la précède c'est-à-dire la campagne électorale. Il y a d'abord les défis imposés dans le court et moyen terme par la crise financière internationale et ses répercussions, notamment la probabilité d'une baisse du prix du baril de pétrole, et en tout cas de la fluctuation incertaine des tarifs induite par la récession économique mondiale annoncée. Viennent ensuite les réserves de change, évaluées à plus de 110 milliards de dollars, et leur devenir par rapport aux programmes proposés par les candidats. Enfin, troisième critère, les perspectives devraient apparaître, durant cette campagne, nettement et clairement, quant à la relance économique tous azimuts initiée par la président Bouteflika au travers des mégaprojets et des grands chantiers du pays (autoroute Est-Ouest), métro d'Alger, logement, transfert des eaux dans les Hauts-Plateaux et dans le Sud, etc.), projets qui ont absorbé une masse financière considérable. À tout cela devrait s'ajouter, compte tenu précisément de la crise, une stratégie d'ensemble pour moduler toute l'économie nationale autour d'autres ressources en devises. Vraie et bien chapitrée, cette stratégie serait le lien indispensable vers la crédibilité, pas moins. Se positionner durablement En dehors de ces arguments, l'échéance électorale du 9 avril semble parfaitement dénuée de tout débat politique, et rares sont les observateurs qui se risquent à envisager pour les prochaines semaines un emballement quelconque de la scène politico-médiatique avec de fortes contradictions à la clé touchant tel ou tel programme. Le fait est que les cinq candidats ne pourront que très difficilement apporter le change à ce que compte développer comme programme Abdelaziz Bouteflika. Sans compter que la popularité de ce dernier n'est plus à prouver. Les différentes sorties à l'intérieur du pays du chef de l'Etat ont montré des foules toujours de plus en plus importantes venues l'accueillir en tant que porteur d'espoir et espérer en lui l'homme à même de sortir le pays de l'abîme dans lequel l'ont plongé des années de misère et de sang. Et il apparaît de plus en plus que cela soit lié à la personnalité propre de Abdelaziz Bouteflika plutôt qu'à une instrumentalisation de cet accueil par les autorités locales, qu'on le veuille ou non. En tout état de cause, la disproportion entre la dimension politique du candidat Abdelaziz Bouteflika et celle des cinq autres est évidente. Deux autres candidats émergent néanmoins du lot et suivent des démarches par ailleurs tout à fait contraires. Il s'agit de Louisa Hanoune, dans la mesure où celle-ci est connue pour son franc-parler et ses engagements politiques directs et sans détours, et un peu Moussa Touati qui cultive l'art de naviguer dans une espèce de flou artistique. C'est ainsi que les candidats vont redoubler d'efforts pour mener à bien leur campagne électorale chacun à sa manière. Ce serait non pas tant pour gagner le fauteuil présidentiel, même si c'est bien cela l'objectif de leur compétition, mais peut-être bien pour les uns, au moins de pouvoir se positionner durablement dans la sphère politique algérienne comme de futurs challengers possibles, et pour les autres, les plus connus, en qualité de personnalités incontournables d'un nouveau paysage politique qui resterait à venir, pourquoi pas. Il faut espérer que la campagne électorale des six candidats réunis pourra finalement aboutir à ramener le plus possible de votants dans les isoloirs. Zoubir Ferroukhi