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Le business du cinéma en Algérie
En dépit du déclin de l'activité (1re partie)
Publié dans Liberté le 24 - 03 - 2009

Le cinéma en Algérie rencontre de grosses difficultés de financement, en l'absence d'une véritable industrie.
Pourquoi une billetterie est-elle d'une absolue nécessité ? Le prix du ticket d'accès au spectacle sert à payer des salaires et rémunérations, à l'amortissement de la production du film, au paiement de la location de matériels, à l'achat des consommables et autres, à la préparation de nouvelles productions, ainsi que les taxes diverses destinées à alimenter les caisses d'aide à la cinématographie. Le Fdatic (Fonds de développement des arts et techniques cinématographiques) puise (puisait) l'essentiel de ses ressources dans ce qui lui revenait dans le prix du billet d'entrée au spectacle cinéma. On comprendra aisément les difficultés nées de la ruine du parc national des salles qui s'est réduit au fil des ans comme une peau de chagrin, passant de 432 salles en 1962, à moins de 15 salles dans les années 2000, celles qui ont survécu au désastre appartenant essentiellement au réseau de la Cinémathèque nationale. Selon Lamine Merbah, réalisateur cinéma et ancien responsable dans le secteur audiovisuel, la part revenant au Fdatic sur un billet d'entrée de cinéma se situe entre 4 et 7%. L'aide accordée à un film de long métrage fiction, au titre du Fdatic, fluctue entre 10 et 20 millions de dinars. Ajoutée à celle, dans un ordre équivalent, qu'accorde souvent, mais pas toujours, la télévision, le producteur devra commencer son montage financier sur la base de 20 millions de dinars, alors que le plus misérable long métrage de fiction revient à plus de 3 milliards. En 2008, Lamine Merbah, alors responsable d'une commission de lecture au ministère de la Culture, a pu convaincre le ministère des Finances de la justesse de ses vues qui assuraient que le cinéma est une activité qui non seulement peut rapporter, mais qu'il s'agit d'une profession qui permet, aussi, de distribuer des revenus dans la région où se déroule le tournage. Du coup, accès de générosité du plus austère des ministères de la République, on accorde au cinéma 80 milliards de centimes, un pactole ! De quoi financer valablement une dizaine de films… Seulement voilà : il y a un manque criant de scénarios valables, ce qui risque de pousser le ministère des Finances à revoir à la baisse une aide qui aurait pu entrer dans les mœurs.
Les trois canaux de la télévision, théoriquement autonomes, demeurent des organismes budgétivores dont les rares productions se font au coup par coup, en fonction de la conjoncture ou des dates religieuses (Ramadhan, Mawlid, Aïd, etc.) ou autres commémorations historiques nationales. Ces trois canaux ne disposent pas d'un budget spécifique réservé à la production filmique selon Lamine Merbah.
Peu de salles de cinéma
La gestion des salles, qui était la pierre angulaire de l'édifice, a été confiée aux APC, avant d'être privatisée. Ce type de non-gestion a mis le point final à l'aventure du cinéma algérien désormais privé de finances. Le coup de grâce a finalement été donné au cinéma avec sa “restructuration” insensée au milieu des années 1980 : une entreprise comptant au total 450 employés a été “restructurée” en trois entités distinctes, dont la plus importante, autonome par rapport aux deux autres, était l'Enadec (Entreprise de distribution de cinéma), et qui s'occupait de la distribution et de l'exploitation des films, et donc récoltait de l'argent.
De la naissance du CNC, en passant par l'Oncic et autres Enaproc, Enadec, Caaic, Enpa, etc., à la liquidation du secteur étatique de production qui n'a pas été suivie par la mise en place d'un mode de production de remplacement, il y aurait beaucoup à dire. Mais la plus grande perte concerne les compétences accumulées, les talents et l'extinction de passions demeurées inassouvies. Les pertes les plus dramatiques concernent la production de films de fiction, qui, dépendant essentiellement de budgets lourds, se sont peu à peu éteintes.
Une privatisation catastrophique
Même si, par la suite, des coopératives audiovisuelles ont été créées, selon les mêmes statuts définis par la loi qui a donné naissance à la presse privée au cours des années 1990, leur faiblesse financière n'a pu combler le vide laissé par l'Etat. Au départ, elles étaient une centaine environ, aujourd'hui, il n'en existe que quelques-unes de réellement efficaces sur le terrain, mais se contentant de réaliser des productions à faible budget, des documentaires, reportages, clips, spots publicitaires ou des films didactiques destinés aux entreprises, les autres ayant changé d'activité, ou carrément mis la clef sous le paillasson.
À Alger il y avait près de 60 salles de cinéma en 1962. Sur l'ensemble du territoire national, il existait 432 salles en état de fonctionner, c'est-à-dire de projeter des films 35 ou (et) 16 mm. Aux premières années de l'Indépendance, avec un héritage aussi exceptionnel de plus de 430 salles de cinéma (à peu près deux fois le nombre de salles dont disposait l'Egypte à la même époque), un circuit de distribution fiable, des agents compétents à tous les niveaux, dès la création du CNCA, il était permis d'espérer une évolution positive avec un accroissement constant du parc de salles.
Malheureusement, le nombre de salles en mesure de projeter des films en 35 mm est allé en s'amenuisant, pour se réduire à une dizaine, à peine, de salles fonctionnelles, sur l'ensemble du territoire national, la plupart préservées par la gestion de la Cinémathèque. Un film qui n'a pas, dès le départ, au moins en partie, assuré sa distribution, ne peut trouver de producteur prêt à y mettre de l'argent. Donc production et distribution-exploitation sont indissociables et constituent les deux faces d'une même médaille. Au cours des meilleures années d'abondance, la production cinématographique algérienne n'a jamais dépassé la demi-douzaine de films de longs métrages 35 mm. La raison est due au financement, mais aussi — et surtout — au nombre restreint de techniciens qualifiés.
Car le cinéma de fiction en particulier réunit une nuée de métiers de haute compétence, en dehors des postes principaux que tout le monde connaît. Or, le personnel destiné à la production au niveau du Caaic, vers la fin des années 1980 (le Caaic a été créé en 1988), arrivait à peine à une centaine d'éléments inégalement qualifiés. Les budgets des films n'ont jamais, à de rares exceptions près, été importants ou du moins à la hauteur des ambitions des divers films mis en chantier. Financement du cinéma, le montage financier : (coûts moyens d'un film : 16 mm, 35 mm, numérique, haute définition, etc.). Les budgets destinés à la production de films en Algérie ont toujours été moyens, pour ne pas dire faibles : environ 200 à 300 millions de centimes.
Exploitation : le nombre de salles opérationnelles avant l'Indépendance s'élevait à plus de 430. Il est demeuré relativement stable, jusqu'aux années 1980.
La Cinémathèque, avec son réseau de salles de répertoire, couvrait à peu près l'ensemble du territoire national, en gérant quelques dizaines de salles de projection tenues par des passionnés du cinéma, à l'image de leur responsable emblématique aujourd'hui à la retraite, et le sont d'ailleurs restés. La désaffection du public est due non seulement aux années sombres vécues par le pays, mais aussi à la détérioration des salles de projection et des mœurs qui empêchent les amoureux du 7e art de se rendre régulièrement au cinéma. Les ciné-bus qui donnaient dès les premières années de l'Indépendance des spectacles cinéma sur les places des villages en zone rurale ont cessé aussi leur travail dès le début des années noires. Le nombre de salles actuellement, une dizaine et celles qui demeurent ouvertes, exception faite des salles de l'Oref qui projettent du 35 mm, ne projettent que des films en vidéo. Peu de précisions existent à propos d'un chiffre d'affaires de ces salles.
Des salles de cinéma sont en projet. Le privé national n'est pas prêt à investir dans des multiplex coûtant des sommes folles, si des amendements fiscaux ne sont pas apportés en sa faveur. Alors que le coût de réhabilitation des salles tombées quasiment en ruine serait plus élevé que la construction de salles neuves. À moins de considérer ces salles de cinéma comme faisant partie d'un patrimoine culturel historique à protéger absolument.
Les salaires de l'audiovisuel : le monopole de l'ENTV
Pourquoi les cachets pourraient-ils apparaître élevés au profanes ? Les productions sont rares et les techniciens ou artistes sont contraints de vivre grâce à ces revenus irréguliers. Les nouvelles directives de la télévision (mise en disponibilité d'un an) : salaire assuré, les techniciens peuvent ne pas être trop exigeants en comparaison avec d'autres techniciens qui ne disposent pas de filet salarial (exemple d'un maquilleur connu).
Les barèmes de paiement des cachets des techniciens, artistes et comédiens, se basent sur ceux de la télévision (Entv) qui se retrouve en position de premier et unique coproducteur de tous les films algériens récents, en dehors de la part accordée par le Fdatic, ou l'aide accordée à l'occasion de trop rares manifestations culturelles du genre “Année de l'Algérie en France” ou “Alger, capitale de la culture arabe”.
Naturellement les cachets donnés en exemple sont négociables, selon la notoriété des concernés, artistes ou techniciens, en dessous ou au-dessus du barème de base.
Résumé des cachets, fourchette moyenne
1- Scénario feuilleton, l'épisode de 25 à 30 minutes (10 à 15 pages imprimées) :
a- catégorie excellente ;
b- catégorie très bonne ;
c- catégorie bonne ;
Entre 100 000 et 70 000 DA l'épisode
Episode de 35 à 45 mn (a,b,c)
Entre 120 000 et 80 000 DA
2- Le sitcom 20 à 26 mn (20 pages imprimées)
Catégories a, b, c
Entre 60 000 et 80 000 DA le numéro
3- La série 25-30 mn (20 pages imprimées)
A, b, c : entre 100 000 et 140 000 DA le numéro.
35 à 40 mn (30 pages imprimées)
A, b, c : entre 120 000 et 160 000 DA le numéro.
4- Documentaire-fiction
52 mn (30 pages imprimées)
A, b, c : entre 160 000 et 200 000 Da le numéro.
5- Téléfilm 70 à 80 mn (60 pages imprimées)
A, b, c : entre 600 000 et 800 000 Da
Film cinéma 90 à 100 mn (barème à négocier en coproduction).
Une fourchette de 2 millions à 3 millions Da.
Barème de rémunération de la réalisation
Feuilleton, série, sitcom, téléfilm, documentaire fiction, dramatique TV, film cinéma : entre 2 et 3 millions de dinars à négocier avec coproducteur.
Comédiens classés en 4 catégories : Ils sont payés d'après une fourchette de rémunération préétablie, selon leur classement par catégorie et un barème compris entre 15-20 000 pour la première catégorie les 10 premiers jours de tournage et 13 à 18 000 pour le reste du tournage, et 6 à 10 000 DA/jour et 4 à 8 000 DA/jour pour la 4e catégorie de comédiens.
Rôles principaux : 1er, 2e, 3e et 4e rôles feuilleton et téléfilm, dramatique TV ou sitcom : fourchette de rémunération calculée sur la base d'un tournage de 30 à 40 jours (500 000 DA - 80 000 DA).
L'interprétation cinéma est à négocier avec le coproducteur, mais devra tenir compte des barèmes de base de la télé.
D. Z.


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