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“L'approche sociologique a toujours été le parent pauvre”
Un membre d'Irisco s'explique sur l'ingénierie sociale
Publié dans Liberté le 15 - 04 - 2009

Irisco est le premier bureau algérien spécialisé dans l'ingénierie sociale. Il a été créé par des spécialistes en sciences sociales qui travaillent en réseau. Un membre fondateur d'Irisco et consultant auprès de cette structure, Brahim Benmoussa, nous parle de ce cabinet d'ingénierie sociale, de ses objectifs et de certains de ses projets.
Liberté : Irisco est le premier bureau algérien spécialisé dans l'ingénierie sociale... C'est quoi au juste ?
Brahim Benmoussa : L'ingénierie sociale est une activité qui fait ses premiers pas dans notre pays. Pour résumer les choses, disons qu'elle cherche à établir principalement l'analyse d'une situation sociale dans le cadre de la mise en œuvre d'une action de développement, en s'appuyant surtout sur les méthodes offertes par la sociologie. Celles-ci, au moyen d'enquêtes et de sondages, permettent de faire l'évaluation sociale d'un projet, d'impliquer les acteurs concernés et de mettre au point des recommandations pour la conduite de ce projet. Elle propose des méthodes visant à conduire des approches dans des domaines aussi divers que l'habitat social, la création d'emploi, le développement rural, l'éducation, l'insertion des jeunes, mais aussi l'activité sociale et culturelle.
Comment est venue l'idée de créer un tel bureau ? Peut-on aussi avoir une idée sur la composition de l'équipe d'Irisco et de sa clientèle ?
L'idée de créer une structure d'études spécialement orientée vers les applications de la sociologie n'est pas nouvelle. Je me souviens qu'au milieu des années 1970, nous nous posions déjà, mes camarades et moi, la question des débouchés de notre discipline ailleurs que dans l'enseignement universitaire et la recherche. Comme de nombreux collègues, j'ai mené des études et enquêtes sur des projets de développement. J'ai travaillé avec d'autres sociologues sur des études participatives sur le développement socioéconomique de dizaines de quartiers et de ksour défavorisés dans plusieurs wilayas.
Des collègues universitaires sont intervenus sur des projets visant la résorption des bidonvilles, d'autres ont été associés à d'autres programmes et projets, sur la santé publique, la participation des femmes au développement, etc. Dès lors, la question de la pérennisation de cette application de la sociologie et des disciplines connexes à celle-ci s'est posée à bon nombre d'entre nous.
La question de l'intégration de cette discipline de façon autonome dans le champ des acteurs économiques s'est également posée... C'est ainsi qu'un groupe d'enseignants universitaires en sciences sociales a créé, fin 2005, un bureau d'ingénierie sociale. Trois ans après sa création, Irisco a commencé à se faire connaître auprès des organismes et institutions susceptibles de recourir à l'ingénierie sociale, aux enquêtes et études sociologiques. Ces domaines d'intervention intéressent aussi bien les entreprises que les institutions et les associations. Irisco a par ailleurs investi dans l'organisation de son activité, en privilégiant la mise en place de réseaux de consultants et d'enquêteurs. Aujourd'hui, il est en mesure de mobiliser des équipes pour couvrir une étude de portée nationale, appuyée par un comité scientifique de qualité. Une cinquantaine de sociologues diplômés dont un bon nombre de doctorants ont été formés à la conduite des enquêtes de terrain lors des études réalisées par Irisco, qui compte par ailleurs une douzaine de consultants en sociologie et dans des domaines connexes à l'ingénierie sociale, tels que l'économie, la géographie, l'urbanisme et l'environnement.
Sur quoi ont porté concrètement les études sociologiques d'Irisco ?
Je vous donnerai deux exemples très différents et qui illustrent le vaste champ d'application des études sociologiques. En mai 2008, Irisco a fait la présentation publique d'une étude, d'ailleurs largement médiatisée.
L'étude a porté sur le rapport des Algériens au risque de catastrophes naturelles et conduite à la demande du Conseil national des assurances. Elle a débouché sur des recommandations destinées à aider les compagnies d'assurance dans leur stratégie de promotion de l'assurance contre les effets de catastrophes naturelles.
L'autre exemple concerne la mise au point en 2007, pour le compte d'une compagnie pétrolière, de la méthodologie d'un sondage sociologique destiné à cerner et à améliorer l'image de cette entreprise auprès des acteurs du secteur pétrolier.
Où se situe, selon vous, l'importance des travaux sociologiques en Algérie ?
L'importance des travaux sociologiques dans notre pays réside en premier lieu dans l'important déficit en matière de données sur la société, sur les mutations qu'elle connaît, les aspirations et les motivations des gens. Elle réside aussi dans la nécessité d'accompagner tout projet économique par des études portant sur ses aspects sociaux, afin d'en mesurer l'impact et l'intérêt. La conduite de ces travaux se justifie pleinement par le fait que l'approche sociologique a toujours été le parent pauvre des projets, où les approches techniques se taillent la part du lion.
Dans vos prospectus, vous dites que l'expertise d'Irisco est au service de la décision…
La connaissance de la société permet de produire du savoir, ce qui est important en soi. Elle permet également d'apporter une aide à la décision, dans tous les domaines de la vie sociale. Je pense à certaines problématiques et méthodologies, mises au point par les experts d'Irisco, qui peuvent être d'un grand apport dans la définition des stratégies des entreprises et institutions. Cela concerne des sujets importants et peu étudiés chez nous, notamment le rapport des populations à l'eau, les nouveaux comportements alimentaires, l'impact social de l'Internet et de la téléphonie mobile, et d'autres sujets où la sociologie peut être d'un grand apport.
Les exemples ne manquent pas par ailleurs dans notre quotidien, pour illustrer l'importance de l'approche sociologique dans la décision : la violence dans les stades, le comportement des automobilistes et ses conséquences sur la mortalité routière, le phénomène des harragas constituent des sujets d'études, dont la conduite peut apporter des éléments importants, en matière de prise en charge de tels phénomènes.
Un mot sur vos prochains projets ?
De nombreuses idées mûrissent actuellement chez Irisco et des discussions sont en cours avec plusieurs entreprises et institutions autour de projets d'études et d'enquêtes sociologiques. Une réflexion est menée également pour développer la formation aux métiers de l'ingénierie sociale. Le projet principal vers lequel convergent les efforts reste celui d'introduire l'approche sociologique chez les acteurs économiques et institutionnels dans notre pays.
H. A.


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